Lecture

Les maisons vides, l’adolescence mise à nue

Dans son premier roman, délicat et instinctif, Laurine Thizy esquisse les étapes marquants de la vie d’une enfant devenue adolescente, d’un être qui apprend à se connaître.

Gabrielle était une enfant prématurée. Tout le monde s’est souciée d’elle, trop, sûrement. Mais elle suit ses envies en se passionnant pour la gymnastique. Son corps est mis à l’épreuve et Gabrielle réalise que quelque chose lui échappe, s’éloigne et disparaît. Autour d’elle et en elle.

Au début, Gabrielle ne sait pas. Je crois qu’elle ne comprend rien à ce qui se passe à l’intérieur d’elle-même. Depuis toujours, cependant, elle est habituée à ce que son corps ne fonctionne pas exactement comme celui des autres. Elle est née avec une hanche en dedans, elle aspire des bouffées de gaz qui lui dilatent les poumons au quotidien : Gabrielle se sait différente depuis son plus jeune âge. Cette fois, il s’agit pourtant d’autre chose, qui s’apparente davantage aux cicatrices en forme de fleur à l’intérieur de ses paumes ; elle sent d’instinct qu’il lui faut le taire et le cacher. Un lien se tisse dans sa tête qui associe les araignées aux traces pâteuses entre ses jambes.

Le premier roman de Laurine Thizy capte tout de suite l’attention. Il s’ouvre sur un mouvement, une énergie qui semble incapable de s’arrêter, de retomber. Gabrielle prend le lecteur·rice par la main. On suit alors sa vie. Son enfance marquée par l’inquiétude en tant que grande prématurée. Son adolescence rythmée par la gymnastique. Le parallèle entre ces deux moments installe un jeu d’échos très beau. L’autrice bouleverse la chronologie et fait des allers-retours, apportant un éclairage sur l’arrivée au monde, sur l’évolution du corps.

Le roman détonne aussi par ses pas de côté fantasques, le venue régulière de clowns dans le programme du « rire médecin » et l’utilisation d’images. Ce recours à l’imaginaire rappelle que Gabrielle est une enfant pendant la moitié du livre et quitte cet état-là dans l’autre partie. On assiste alors à un être qui apprend à comprendre son corps, dans la chair mais aussi dans les sentiments. Gabrielle est entourée d’amour par ses parents, sa grand-mère, d’attention par sa coach. Chaque adulte est finement décrit par Laurine Thizy, avec ses maladresses, ses envies que Gabrielle soit heureuse. Mais celle-ci doit aussi apprendre la perte, celle de ses proches, celle aussi de sa propre enfance.


Publié aux Éditions de l’Olivier, 18€.

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Julien Leclerc

Insatiable curieux avec un blog littéraire Le Tourneur de pages (c'est le premier lien ci-dessous)

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