Une expérience auditive inédite
PIAO a été convié au spectacle « Lucioles », la semaine dernière, qui s’est déroulé à la Scène Nationale. Le travail des artistes continue, et en soutien, des représentations sont maintenues et réalisées à huis clos à destination des professionnels et de la presse.
Lucioles est une expérience auditive, un voyage à la découverte de ce sens. L’ensemble Cairn nous a invité à explorer, à écouter, en nous accompagnant d’explications. Il a été question d’espace sonore, de sensation acoustique, de cheminement sonore entre le monde acoustique et le monde électronique. Ce chemin d’ailleurs, a été le fil rouge du spectacle, à travers 2 expériences d’écoutes.
Une introduction a entamé le voyage. C’est par 2 pièces – composées pour piano initialement- de Claude Debussy « Des pas sur la neige » et « Brouillards« , ré-arrangées ici par Jérome Combier, que débute notre découverte. Entendre la vibration dans l’air des notes, la sensation physique de la musique. Conscientiser ce phénomène que nous vivons au quotidien, sans le nommer, à chaque concert. Les effets de la musique live en somme, loin de nos casques et de nos enceintes. Riche de pédagogie, cette introduction met les lycéens de la classe de seconde option cinéma/audiovisuel du Lycée Pothier, invités à la représentation, rapidement dans le bain. On nous présente l’espace acoustique, modifié ici par l’amplification des instruments. Percevoir la différence avec et sans cette amplification, et son effet sur la résonance.
La 1ère partie du spectacle est purement électronique. 30 zones de haut-parleurs disséminés nous plongent dans une expérience inédite. Ce concert, prévu en immersion totale sur le plateau, a été revu pour correspondre aux consignes sanitaires. Tant pis pour le projet original et oui à l’adaptation ! La forme initiale verra le jour plus tard.
Cette expérience nous fait découvrir la composition de Meryll Ampe, « Illuminan« . L’artiste vient tout d’abord nous présenter son travail ainsi que son parcours passionnant avant de nous laisser en compagnie de ses dispositifs sonores. La pièce a été construite en utilisant des sources d’enregistrements de radio FM/AM et des créations au synthétiseur. Pendant 11 minutes, le public, plongé dans le noir pour exacerber l’attention de l’oreille, a écouté plusieurs pistes distillées dans l’espace. Surprenant ! Comme un retour à l’état primitif où chaque son est une information, éveille en nous curiosité et imagination.
La 2ème pièce a été écrite par Jean-Luc Hervé, pour l’ensemble Cairn. Il s’agit d’un dispositif situé entre l’acoustique et l’électronique. Son inspiration lui vient du Japon, où il y a beaucoup de lucioles. « Elles sont comme une présence magique » nous raconte le compositeur. « Le monde fourmille de présences autour de nous comme les lucioles, qu’on entend, perçoit, mais qu’on ne voit pas« . Entendre des chants sans les voir, sans pouvoir leur attribuer une origine : un coté merveilleux, proche du rêve et de la féerie.
L’ espace sonore ici est localisé. Mais la musique peut être classée dans ces invisibles, c’est que ce nous rappelle Jean-Luc Hervé. En effet, les musiciens produisent des sons comme des être invisibles qui ont une vie. « Chaque son est comme animé d’une vie.«
Sur le plateau, on nous présente en amont de l’écoute, les mystérieuses lucioles sonores. Des petits appareils qui produisent du son, comme des petits organismes qui s’écoutent entre eux. Ils se mêlent aux musiciens durant la pièce, et les deux conversent ensemble.
Un échange a lieu à l’issue du spectacle entre les musiciens, le compositeur et les lycéens. Il nous permettra d’apprendre que la pièce ainsi construite est très scénarisée, composée, et que rien n’est laissé à l’aléatoire ou plutôt à l’improvisation. Expérience étonnante que de voir les musiciens du plateau laisser une place au dispositif en gardant le silence, donner une place à ces sons à l’origine impalpable, et ensuite leur répondre … de concert.
L’émotion du compositeur était perceptible, c’était pour lui également la 1ère découverte de sa pièce, en raison des restrictions actuelles que nous connaissons. Emotion aussi entre les musiciens. Le plaisir de jouer ensemble, pour un public de quelques privilégiés s’est vu et a suspendu ce moment.