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Les Méduses n’ont pas d’oreilles, un roman immersif sur la différence

Dans son premier roman, tendre et fantaisiste, Adèle Rosenfeld dresse le portrait d’une femme abandonnée par l’audition. Une immersion parfaitement réussie !

Au seuil de l’âge adulte, alors que son audition l’abandonne, Louise s’accroche aux derniers sons qui lui parviennent et les compile méticuleusement dans un herbier sonore. Les mots, eux, se transforment désormais en de fabuleux personnages : un soldat de la Première Guerre mondiale, un chien nommé Cirrus, une botaniste mystérieuse. Elle passe ainsi un entretien d’embauche à la mairie sans bien comprendre ce qu’on lui demande, et déchiffre pour la première fois des mots d’amour sur la bouche d’un garçon. Lorsqu’on lui propose un implant, opération irréversible et lourde de conséquences, son univers de songes et d’ombres poétiques se met soudain à vaciller.

Oedipe s’était crevé les yeux, mais pourquoi ? Il aurait dû plutôt se crever les oreilles. En réalité c’était une affaire d’oreilles. Oedipe a mal entendu le message de l’oracle, c’était un malentendant, il n’avait pas su écouter les mises en garde. Mais le sourd n’a pas la grandeur de l’aveugle, ni son calme philosophique. Et l’engouement de la psychanalyse a persévéré dans ce malentendu. Non, vraiment, ça n’avait aucun sens, les psys ne sont ni yeux ni bouches, ils sont oreilles.

Adèle Rosenfeld nous embarque dans le quotidien de Louise. Son travail, ses rêveries, les prémices d’une histoire d’amour. Ces moments sont différents pour elle. Elle entend de moins en moins bien. La réalité lui parvient autrement et son esprit, vif et surprenant, combles les absences. Le lecteur est plongé dans les sensations de Louise. Les idées, les mots et surtout leur rythme permettent de saisir Louise, sa sensibilité et sa profonde vérité. On marche à côté d’elle, comme elle avance un peu en parallèle du monde. L’autrice, avec les mots, parvient à montrer le poids de la situation pour Louise.

Avec la possibilité d’avoir un implant, le monde et surtout le rapport qu’elle entretient avec lui risquent de basculer. Ainsi Louise se retrouve sur un fil entre deux manières d’accueillir la société mais d’être accueillie également. En changeant de décors, de situations, en mêlant le cocasse et le brutal, Adèle Rosenfeld signe un premier roman particulièrement touchant.


Adèle Rosenfeld, Les Méduses n’ont pas d’oreilles, Le Livre de poche, 7.90€

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Julien Leclerc

Insatiable curieux avec un blog littéraire Le Tourneur de pages (c'est le premier lien ci-dessous)

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