Un fou de Stendhal et franc misanthrope, reclus dans un hameau de Savoie, est abandonné en forêt par des individus qui l’y ont amené de force en pleine nuit.
Une très jolie blonde rôdée à la conduite automobile quitte brusquement une route qu’elle connaît comme sa poche.
Un Breton sans histoire, habitué à faire chaque matin la même promenade au bord d’une falaise, trouve sur son chemin deux inconnus qui ont tout l’air de l’y attendre. Mais le lecteur comprend bientôt qu’on n’est pas dans un roman policier classique.
Les agresseurs ne sont ni des agents secrets ni des trafiquants. Ils ne s’attaquent pas à des durs mais à des tendres, un ancien routard devenu libraire, une mécène mélancolique, et à une entreprise dont aucun des deux n’avait imaginé qu’elle pourrait fâcher.
Qui, parmi les passionnés de roman, n’a rêvé un jour que s’ouvre la librairie idéale ? Non pas ce qu’on appelle une bonne librairie, où l’on trouve de bons romans, mais une librairie vouée au roman où ne sont proposés que des chefs-d’œuvre ? En se lançant dans l’aventure, Ivan et Francesca se doutaient bien que l’affaire ne serait pas simple.
Comment, sur quels critères, allaient-ils faire le choix des livres retenus ? Parviendraient-ils un jour à l’équilibre financier ? Mais ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’était le succès.
Un livre qui parle de livres ! Je frémis toujours quand je fais ce genre de découverte, ne sachant si cela va être agréable à lire ou non.
Je n’ai pas été déçu du voyage par ce roman, qui est vraiment bon ! L’intrigue de démarre de façon décousue, par trois actions différentes qui vont finalement converger. L’idée centrale et maîtresse est la création d’une librairie dont la prétention est de ne vendre que des bons romans, ce qui va forcément créer des polémiques et des jalousies.
La narration se réalise longuement sous la forme d’un retour vers le passé de la création de la librairie, avant de rejoindre le présent. La mise en scène, avec une certaine forme de polar est parfaitement réalisée.
« La littérature est source de plaisir, disait-il, c’est une des rares joies inépuisables mais pas seulement. Il ne faut pas la dissocier de la réalité. Tout y est, c’est pourquoi je n’emploie jamais le mot fiction. Toutes les subtilités de la vie sont matière des livres. Il n’y a pas que les solutions d’exception, dans les romans, les choix de la vie ou de mort, les grandes éprouves, il y a aussi les difficultés ordinaires, les tentations, les déceptions banals; et en réponse toutes les attitudes humaines, tous le comportements, de plus beaux aux plus misérables. Lisant cela, on se demande: et moi qu’est-ce que j’aurais fait? Il faut se le demander. Écoute-moi bien: c’est une façon d’apprendre à vivre. Des adultes vont te dire que non, que la littérature n’est pas la vie, que les romans n’enseignent rien. Ils auront tort. La littérature informe, elle instruit, elle entraîne. »
Laurence Cossé possède une plume qui nous effleure et finit par nous toucher sans qu’on s’en rende compte consciemment. Elle distille beaucoup de réflexions, à petite dose, un peu comme l’encre qui s’écoulerait d’une plume posée sur une feuille de papier. Au début ce n’est qu’une petite tache, et lentement, mais sûrement, tout est imbibé. Il ne sera pas possible de ne pas penser au Bon Roman la prochaine fois que je franchirai les portes d’une librairie et que je devrai faire un choix avant d’en repartir.
Paru chez Gallimard, 497 pages, 22 euros