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Première personne du singulier, Haruki Murakami dessine une jolie porte d’entrée

Le dernier livre de l’écrivain japonais promis depuis des années au nobel d’écriture le ramène à la forme courte. Huit nouvelles, toutes légères comme le printemps et la (re)découverte d’un univers qui refuse de prendre une seule ride.

Si pour vous Murakami est une énigme, sachez que pour ses fidèles lecteurs, il l’est aussi. L’écrivain, qui avoue à demi-mots préférer courir le marathon pour se vider l’esprit qu’écrire ses nouvelles et ses romans, est en effet difficile à cerner, tout comme ses propres mots. Quand il écrit la toute première fois, il est gérant d’un bar qui passe du jazz en boucle, bosse 24/24 et 7/7 sans compter les heures. Il écrit dans sa langue maternelle, n’aime pas son manuscrit, le traduit en anglais, traduit de nouveau ce qu’il vient de transformer en japonais. Son style épuré et énigmatique est né.

Chez Murakami, on peut parler avec un singe qui est le meilleur masseur du coin, regretter de ne jamais avoir flirté avec une jeune collégienne qui étreignait un album des beatles dans les couloirs du lycée. Tout est possible, dans une banalité du rêve qui est très saisissante. Je porte un costume, une femme vient m’interpeller en me confondant avec un autre homme, et alors? On retrouve la trace d’un premier amour par un grand frère marginal, 20 ans après, pourquoi pas après tout ? Dans ce dernier recueil, tous les visages de son oeuvre sont présents, ce qui constitue le meilleur moyen de découvrir ce style qui est le meilleur échappatoire d’une époque anxiogène et cartésienne.

Allez, j’ouvre une page au hasard :

« Sur ces entrefaites, le frère de mon amie revint dans le salon. Toujours hirsute mais le regard plus vif, sans doute parce qu’il avait pris son petit déjeuner. Il tenait un grand mug de café à la main. Un mug blanc, avec, imprimée d’un côté, la photo d’un biplan allemand de la première guerre mondiale. Sur l’avant du cockpit étaient montées deux mitrailleuses. C’était certainement le mug qui lui appartement en propre. Imossible d’imaginer mon amie boire à-dedans »

Chez Murakami chaque rencontre, chaque rue et chaque journée banales sont des invitations. Aucune ne donne envie de furieusement partir en courant, mais au contraire de se laisser tenter. Ces personnages posés, las et nostalgiques parfois sont ceux qui aiment sourire en vivant ou revivant ce qu’ils laissent derrière eux et s’y apaiser.

Bienvenue à tous.

« Première personne du singulier » Ed Belfond, 151 pages 21 euros.

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