Elle s’éloigne, quand un fils raconte sa mère

Raphaël Cuvier tente de saisir la réalité de la disparition tragique de sa mère. Son récit est une quête intime émouvante.
Une mère de famille se jette sous un TGV. Ainsi était l’annonce de la Nouvelle République, journal local d’Indre et Loire le 6 mars 1995. Raphaël Cuvier raconte sa mère, sa famille et dresse le tableau des fragilités d’un être.
Raconter ma mère implique le récit de sa chute, de celle de mes parents, dans l’échelle sociale. J’aurais aimé pouvoir n’aborder que l’aspect sociologique de son parcours, du nôtre, marqué par des changements de classes. Mais pour être complet, mon récit doit être aussi autre chose. Celui de la foli.
Le départ de Paris, l’arrivée en province, sa maladie ; tout est intimement lié.
Lié à ses parents bien sûr, Daddy et Mutti, leur refus de la considérer. Leur incapacité à l’aimer.
Lié également à la distance dans laquelle s’inscrit mon père. Démissionnaire. Elle n’a jamais trouvé en lui le facteur résilient qui aurait pu l’aider à surmonter une douleur trop forte.
Raphaël Cuvier propose un récit dont la sobriété est illustrée par le titre choisi. Elle s’éloigne. L’auteur pointe les fragilités qui ont émaillé la vie de sa mère et comment elle s’est éloignée progressivement de sa famille, de la vie et d’un espoir. A partir du fait divers et du manque d’informations qui l’entoure, l’auteur revient sur le glissement sensible et intime vécu par sa mère. L’adulte d’aujourd’hui replonge dans son enfance d’hier pour y glaner des indices ici et là. Ce récit est habité par le traumatisme vécu et les non-dits l’accompagnant. Le silence est renforce le sentiment d’exclusion.
Au cœur de ce livre, il y a également l’espoir, celui de se sauver, soi-même ou les autres. Raphaël Cuvier rend hommage à sa mère et aux moyens qu’elle a utilisés pour résister. Elle a notamment essayé de se raconter, et de mettre en mots sa douleur profonde. En prenant la plume à son tour, Raphaël Cuvier propose des questionnements et une quête vers une forme d’apaisement.
Raphaël Cuvier, Elle s’éloigne, Éditions Le Chant des Voyelles, 15€.