Un dîner en ville. Au menu, nourriture bio, affaires et éducation des enfants. Claire s’ennuie et décide de rentrer seule à vélo. Elle ne le sait pas encore mais sa vie vient de basculer. Tour à tour victime puis criminelle, Claire échoue en prison et refuse obstinément de s’expliquer. A la veille de son jugement, elle se décide enfin à sortir de son mutisme…
Dans sa cellule à Fresnes, Claire attend son procès. On ne sait rien, mais on devine immédiatement que quelque chose de monstrueux se trame derrière tout cela.
Puis Claire prend la parole, et s’explique, détaille. Aussi prolixe sur le papier qu’elle est muette, stoïque, impassible et passive devant ses juges.
Claire s’est tue, Claire ne dit rien, et ne dira rien pour l’éternité….
Ce livre n’est pas un thriller, mais il est construit comme tel ; la tension monte à chaque page sans que l’on sache de quoi sera faite la suivante.
Mathieu Menegaux ne juge pas, n’accable pas, pas plus qu’il ne soutient, ou du moins cherche à comprendre. A charge au lecteur d’appréhender au fil de sa lecture, d’aller de découverte en découverte ; de comprendre, ou pas ;de condamner, ou pas, de compatir ou pas…
« Ne pas avoir d’enfant, à quarante ans, c’est contraire à un certain nombre de Commandements tacites ou explicites de notre société moderne. Alors à quarante ans, sans enfant, dans le regard des Autres, on est une sorte de demi-femme, on vit une misérable vie sans accomplissement, sans héritage, sans autre perspective que la triste certitude de retourner en poussière. »
Entre ces pages il y a une vie, avec ce qu’elle de complexe, avec ses tabous, ses douleurs, ses barrières, ses incertitudes, ses mensonges, ses petits miracles. Une vie qui bascule un soir pas comme les autres et dont les évènements semblent s’enchaîner et échapper à Claire ; en tout cas, c’est comme ça que je l’interprète, que je l’imagine…
« Belle liberté que celle de travailler toujours plus, de progresser, de gravir les échelons plus vite que les autres, pour s’écrouler le soir devant une série américaine. Nous perdions notre vie à la gagner. »
J’ai lu ce livre d’une traite, en apnée, ou presque à la faveur d’un long trajet en voiture, happée par la tension croissante qui se dégage, bercée par une play-liste riche et minutieusement choisie par l’auteur, et qui fait intelligemment diversion à ce huis-clos noir et glauque. Dans ce texte il n’y a aucune place pour le superflu ; chaque mot compte.
Paru chez Points, 137 pages, 6,20 euros