Les mots des autres m’ont nourrie, portée, infusé leur énergie et leurs émotions. Jusqu’à la mort de mon frère, le 14 octobre 2015 à Montréal, je ne voyais pas la nécessité d’écrire. Le suicide d’Alex m’a transpercée de chagrin, m’a mise dans une colère folle.
Parce qu’un suicide, c’est la double peine, la violence de la disparition génère un silence gêné qui prend toute la place, empêchant même de se souvenir des jours heureux.
Moi, je ne voulais pas me taire.
Alex était un être flamboyant, il a eu une existence belle, pleine, passionnante, aimante et aimée. Il s’est battu contre la mélancolie, elle a gagné. Raconter son courage, dire le bonheur que j’ai eu de l’avoir comme frère, m’a semblé vital. Je ne voulais ni faire mon deuil ni céder à la désolation. Je voulais inventer une manière joyeuse d’être triste.
Bon on est d’accord, je n’ai pas sélectionné un livre super gai cette semaine. Mais des livres supers gais, j’en ai pas beaucoup. Généralement c’est pas le bonheur qui me touche le plus, je vais être attirée par les parcours de vies compliqués, les combats voir les défaites. Je pense que c’est humain comme réaction et que c’est avec ce genre de lectures qu’on apprends la vie ou du moins qu’on essaye.
Donc mea culpa pour ce livre qui respire pas la joie de vivre à première vue mais qui reste tout de même incroyablement riche et vivant, une leçon de vie. (Je suis preneuse de tout conseil littéraire hein, suffit de me laisser un commentaire 😉 ).
« Avec toutes mes sympathies », la formule canadienne pour « sincères condoléances » (il va falloir que je signe autrement mes cartes postales), Olivia raconte sa souffrance, le manque, le deuil. Ce roman est enrichi de références littéraires et musicales ce qui le rend tout à fait pertinent.
Elle a donc pris la plume pour coucher sur le papier un récent et douloureux deuil. A visée thérapeutique ? Certainement. Même si le chagrin est encore là, l’absence s’est inscrite comme un fait indéniable et irréversible. C’est une perte intolérable, avec une souffrance en cascade qu’alimente la détresse de toute la famille, qui avait en commun l’amour de ce frère qui n’a pas pu supporter le poids de son existence.
« Je suis ainsi faite que je n’ai pas besoin de voir les gens tout le temps pour les aimer. L’amour se nourrit d’absence. »
Forcément des phrases comme ça, ça nous parle, ça nous secoue. Le livre en est plein.
A la base Olivia de Lamberterie est critique et chroniqueuse littéraire et ne se sentait pas l’âme d’une écrivain. Pourtant elle a une belle plume, c’est indéniable.
Olivia de Lamberterie réussit là où tant d’autres ont échoué, son texte est intime, clairvoyant et certaines pages sont d’une beauté à couper le souffle.
Vous l’aurez compris j’ai adoré ce récit, j’ai adoré la description piquante de cette famille bourgeoise, les introspections auxquelles se livre l’auteur, cette nécessité qui la pousse à témoigner. J’ai aimé sa volonté, sa pudeur et surtout l’amour inconditionnel porté à son frère. C’est beau, délicat et bouleversant.
Je vous laisse la parole 😉
Paru chez Le livre de Poche, 283 pages, 7,70 euros