Dans un polar qui tient dans la poche, retrouvez un détective privé embourbé dans une enquête mystérieuse et rattrapé par son âge et son passé.
James Crumley (1960-2008) fait partie des grands noms du polar américain. L’un des ses personnages clés est Milo Milodragovitch, détective privé (plus ou moins) en retraite qui tient désormais un bar. Il se retrouve d’un meurtre et embarqué dans une histoire qui ne cesse de la mettre à l’épreuve.
Deux heures plus tard, sous une longue douche bien chaude, je me demandais où cette affaire allait me mener. Pas plus près d’une réponse, et plus loin de Betty. Tout l’argent que mon père m’avait légué et tout l’argent que j’avais volé aux contrabandistas n’avaient pas bouleversé ma vie tant que ça. Je dormais maintenant dans des hôtels où l’eau chaude ne se coupait pas en plein milieu d’une douche, et je conduisais une Cadillac plutôt qu’une Toyota pourrie. Mais aujourd’hui, un foutu Toyota Land Cruiser coûtait presque aussi cher qu’une Candillac. Et il n’existait aucun endroit au monde où je pouvais m’acheter un nouveau corps. D’après ce que j’en voyais sous le jet d’eau puissant, le mien m’avait laissé tomber.
Le plaisir du polar se retrouve dans la force du personnage principal et dans la langue de l’auteur. Voici un exemple d’une réplique de Milo Milodragovitch : » Pour un gars qui a commencé la journée en se faisant salement tabasser, et qui l’a finie dans une cellule avec deux psychopathes, je ne me porte pas trop mal. » Cette phrase, comme tant d’autres, permet de saisir la détermination teintée d’humour de cet homme qui se voit vieillir au cours de sa dernière enquête. Son passé, ses failles, ses remords refont surface et montrent tout ce qu’il fuit en se lançant dans des aventures où il joue sa vie.
Progressivement, l’enquête se pare d’une certaine mélancolie et rend encore plus attachant et complexe le protagoniste. Milo Milodragovitch voyage beaucoup dans les Etats-Unis et James Crumley parvient à nous faire sentir les ambiances respectives des villes et des territoires. Un livre dense et très touchant sur la fatigue qui s’empare d’un homme.
La Contrée finale, James Crumley, traduit par Jacques Mailhos, Gallmeister, 11,90€