
Dans son premier roman, Feux dans la plaine, Olivier Ciechelski compose un livre plein d’action dans une nature abrupte.
Stanislas Kosinski, ancien militaire, a acheté un chalet et soixante hectares de maquis et de ravins, un lieu où personne ne viendrait troubler son besoin de silence. Un jour, Stan découvre qu’on a balisé en bleu un chemin sur son terrain. Stan tente de régler la question avec la mairie mais rapidement, un conflit larvé s’est noué avec des chasseurs qui empiètent sur son espace. Il voit un soir débarquer chez lui un groupe d’hommes armés.
Et il sut : ce que cette trouée dans la colline avait blessé, c’était sa solitude.
Cette solitude, il l’avait convoitée longtemps. Il avait pris l’habitude de se la figurer, d’imaginer avec un luxe de détails quelles formes elle pourrait prendre. C’est ainsi qu’il supportait la promiscuité des casernes et des camps de base. À l’époque, quand il ne trouvait pas le sommeil, il l’élaborait patiemment, la construisait en pensée, à la manière des cités virtuelles des jeux vidéo. Il imaginait d’abord le lieu : une forêt, une île, une montagne. Il s’y voyait libre de son temps, libre de ses gestes, libre de son apparence ; libre de ne pas parler, de laisser pousser sa barbe et ses cheveux, de gouverner lui-même le déroulement de ses journées. Il mangerait quand il aurait faim, se coucherait quand son corps serait fatigué, se lèverait avec la lumière du jour. Dans ces fantasmes, la solitude impliquait toujours la nature : le bruit du vent dans les arbres, celui de la pluie sur le toit, le silence criblé d’étoiles des nuits d’hiver…
Quand il avait vu le chalet, il avait vu tout cela et il n’avait pas hésité. Durant ses quinze ans de service, il avait mis de côté, systématiquement, au moins la moitié de solde. Comptabilité tristement raisonnable ou peur de l’avenir – toujours est-il que le jour où il était monté là pour la première fois, tout avait pris son sens.
Le premier roman d’Olivier Ciechelski suit le parcours d’un homme désireux de solitude et rattrapé par la violence. En collant au plus près de son personnage, l’auteur observe sans relâche Stan fuyant dans la forêt et dans la montagne. Reclus dans son chalet et dans un quotidien épuré, Stan veut avant tout être tranquille. Il est habité par un passé douloureux, ce qui l’a plongé dans un certain mutisme. Cette part obscure ne cesse de grandir et de colorer l’histoire.
Le récit captive, alternant scènes d’observation et d’action. Mis à l’épreuve par ses voisins, il n’oublie pas de s’adapter aux lieux. Il les regarde, tente de les sentir, en ayant toujours en tête la menace qui plane sur lui. Le roman se teinte alors d’odeurs, de goûts et de lumières. L’ambiance ne cesse de bouger, suivant les doutes et la permanente instabilité du personnage. Plus on monte dans la montagne, plus l’horizon s’obscurcit. L’histoire se resserre autour d’un enjeu aussi simple que puissant : la survie de son personnage. Stan veut échapper à une mort qui lui semble promise depuis longtemps. Il se retrouve face à la nature et à des questionnements de plus en plus en profonds. Il laisse son humanité de diluer dans une fuite effrénée. L’observation fine de cet être en perdition ajoute une dimension tragique à ce roman dont l’intensité ne faiblit jamais.
Olivier Ciechelski, Feux dans la plaine, Le Rouergue Noir, 20€