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Heureuses nouvelles sur avions de papier, rencontre inattendue autour de la mémoire

Un roman court et mystérieux autour d’une rencontre incongrue et touchante entre un ado et sa drôle de voisine, intrigante au passé douloureux.

C’est l’été dans un quartier populaire de Barcelone, à la fin des années 1980. Bruno, adolescent solitaire, gagne quelques sous pendant ses vacances en apportant les journaux à sa voisine, Madame Pauli, une vieille dame excentrique, le rouge aux lèvres, dont l’appartement est tapissé de photos en noir et blanc. Avec ces journaux, Mme Pauli confectionne des avions en papier, sur lesquels elle rédige des messages remplis d’espoir avant de les lancer du haut de son balcon. À quels anonymes ou fantomatiques destinataires s’adressent ces missives ? Bruno va peu à peu percer les secrets de la vieille dame : son passé de danseuse en Pologne, et la tragédie qui l’a obligée à fuir son pays.

Deux mois plus tard, par un chaud samedi de début août, Bruno sortit de la pâtisserie Rosich y Hnos, plaza del sol, où il travaillait depuis trois semaines, et il rentrait chez lui à pied quand il se retrouva soudain en train de marcher dans une rue parsemée d’avions en papier. Étourdi par le soleil implacable de deux heures de l’après-midi, et le coeur un peu soulevé par l’odeur douceâtre qu’il rapportait de la pâtisserie, voyant répandus sur le sol une telle quantité d’avions, il eut peur d’être en proie à une hallucination ou à un mirage, mais en vérifiant la plaque de la rue il constata qu’il ne rêvait pas et qu’il ne s’était pas perdu : il était dans sa propre rue, la courte et étroite rue Congost, non goudronnée et aux trottoirs défoncés.

Juan Marsé est un des grands noms de la littérature espagnole. Dans ce roman court et mystérieux, l’auteur capte le présent des années 80 dans la rue, l’espace public où règne une certaine liberté. C’est dans les rues que volent et chutent les avions en papier de Mme Pauli. Avec un écriture vive, Juan Marsé esquisse les décennies précédentes : il y a les années 40 où l’Europe a sombré, il y a les années 70 au cours desquelles a germé l’espoir d’un monde plus libre et plus fou.

Bruno, adolescent un peu perdu, a cet héritage et tente d’entretenir le rêve de sa voisine : disperser des bonnes nouvelles, de la joie dans les rues. On peut y voir une métaphore de la transmission de l’espoir, des messages de sauvegarde face à une redite des années sombres. Cette relation entre les deux, renforcée par la présence d’une communauté de personnages, est le fil rouge dans ce livre, lui apportant émotion et mystère.


Heureuses nouvelles sur avions de papier, Juan Marsé, traduit par Jean-Marie Saint-Lu, Ed. Christian Bourgois, 17€

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Julien Leclerc

Insatiable curieux avec un blog littéraire Le Tourneur de pages (c'est le premier lien ci-dessous)

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