cultureLectureCulture

Le Droit du sol, la ligne dessinée entre la préhistoire et le nucléaire

Le grand auteur de bande dessinée Étienne Davodeau se lance dans une marche du sud vers le nord, de la grotte de Pech Merle au cimetière nucléaire de Bure. 800 km de paysages, de réflexions et d’images sur le lien entre l’Homme et le sol. Une création éblouissante !

En juin 2019, Étienne décide de relier deux points géographiques illustrant le rapport des Hommes avec la Terre. Il part du site de Pech Merle dans le Lot où se trouve une grotte préhistorique pour atteindre Bure où des déchets radioactifs seront bientôt enterrés. Sur son chemin, il croise d’autres marcheurs, des habitants de la fameuse diagonale du vide, des chercheurs, des militants… Ces 800 km sont aussi riches d’introspections que de compréhensions par le dialogue.

Le Droit du sol, la ligne dessinée entre la préhistoire et le nucléaire 2

Étienne Davodeau, depuis toujours, s’intéresse aux autres, d’abord par des portraits fictionnels magnifiques (Lulu femme nue par exemple) puis par des rencontres thématiques. Dans Les Ignorants, il rencontrait des producteurs de vin nature. Dans Cher pays de notre enfance, il suivait une enquête journalistique sur les années de plomb de la Ve République. Etienne Davodeau arpente les heures et les terres de notre société. Ici, dans cette nouvelle BD, il serait facile de réduire le propos à une démarche écologique. Elle est présente mais au cœur d’une histoire qui regroupe philosophie, activité sportive et apprentissage. « Ce récit, au fond, c’est une tentative d’évoquer notre absolue dépendance à cette planète et à son sol. »

Étienne Davodeau nous parle par son corps et par ses mots du sol, celui que nous foulons tous les jours mais qui est parfois oublié. En effet, nous oublions que c’est lui qui nous porte à chaque seconde. Il recèle des trésors incroyables. Le point de départ, avec les dessins préhistoriques, est un exemple éclatant. L’auteur en tire même tout un dialogue sur la nature même du dessin, de la magie envoutante de l’image. Il parle ainsi de son art, la bande dessinée par l’intermédiaire de ces représentations vieilles de millénaires.

Le Droit du sol, la ligne dessinée entre la préhistoire et le nucléaire 3

Sur le chemin, on est à ses côtés, dans une marche parfois difficile. Les paysages nous éblouissent, on avance dans les territoires de la France. Davodeau pointe ces endroits isolés, éloignés de tout transport, perdus même. Cela le renvoie à son propre état. Il nous apparaît ainsi lui aussi seul, bousculé par les aléas de la Terre et les idées de ses interlocuteurs. Les autres trouvent leur place dans ce récit. Étienne Davodeau les croise, pose des questions à un spécialiste de la préhistoire et du site de Pech Merle, à un militant écologique, à un scientifique… Il en tire des intuitions qui prennent sens lorsqu’il foule les 800 km de son périple.

Cette bande dessinée est un mouvement à double hélice, militant et poétique, physique et théorique, graphique et verbal. Étienne Davodeau nous emmène en voyage, nous remet les pieds sur Terre. C’est magnifique, intense et beau.


Le Droit du sol, journal d’un vertige, Futuropolis, 25€.

Afficher plus

Julien Leclerc

Insatiable curieux avec un blog littéraire Le Tourneur de pages (c'est le premier lien ci-dessous)

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page