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« Le petit saint » de Simenon, un livre trop méconnu.

Il avait entre quatre et cinq ans lorsque le monde commença à vivre autour de lui, lorsqu’il prit conscience d’une vraie scène se jouant entre des êtres humains qu’il était capable de distinguer les uns des autres, de situer dans l’espace, dans un décor déterminé. Il n’aurait pas pu préciser, plus tard, si c’était en été ou en hiver, bien qu’il eût déjà le sens des saisons. Probablement en automne, car une légère buée ternissait la fenêtre sans rideau et la lumière du bec de gaz d’en face, seule à éclairer la chambre, jaunâtre, semblait humide.

Louis, qui a six ans au début du roman, est un contemplatif. Avare de mots, rien ne lui échappe de ce qui se passe autour de lui. Il ressent intensément ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il sent. Sa petite taille fait vite de lui la cible des plus grands à l’école. Et comme il ne se rebiffe pas et ne dénonce personne, il devient «Le petit saint».

L’histoire, qui évoque surtout les jeunes années de Louis, s’étend sur une partie du 20e siècle et ses épisodes marquants. Pour Louis, comme une évidence, son avenir se fera dans la peinture, même s’il ne se considère jamais lui-même comme un peintre, travaillant longtemps pour un petit négociant malgré ses aptitudes intellectuelles.

« Curieusement, c’était au gaz qu’il en voulait. Il lui semblait que, depuis qu’on avait installé cette lumière blanche et dure dans les deux pièces, leur vie avait changé et qu’une partie de leur intimité, de la chaleur du terrier, s’était dissipée. Même le dieu-poêle, trop éclairé, n’avait plus son aspect d’animal débonnaire et c’est à peine si on distinguait le scintillement des cendres qui tombaient de temps en temps en pluie fine à travers la grille. Est-ce cela qui le rapprocha de sa mère, le poussa à aller plus souvent aux Halles avec elle, à passer un moment près de sa charrette quand il sortait de l’école ? Pendant les années qui suivirent, il y eut, entre eux, des liens qui n’existaient pas auparavant. »

Tout le talent de Simenon est de confronter un récit objectivement dur (misère, pauvreté, violence sociale), très réaliste, à une personnalité que les contingences n’atteignent pas, comme si sa propension à l’art constituait un filtre de beauté pour voir le monde qui l’entoure.

Une très belle œuvre, touchante dans sa simplicité en même temps qu’une description historique précise et précieuse sur l’histoire de Paris et des parisiens modestes des années 1890 jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale.
Un livre trop méconnu qui mérite notre intérêt.

Edition Le livre de Poche, 218 pages, 6,20 euros

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celine

Passionnée de littérature depuis toujours, j'ai la particularité de lire de tout et tout le temps.

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