
Pascal Rabaté, grand auteur du 9ème Art, croque la jeunesse d’un « fils de » dans les années 60, entre refus de la tradition et envie d’ailleurs.
Tout commence tranquillement. Septembre 1962, dans le village de Kertudy, Albert et son père font le tour d’une brocante. Ils sont habillés de la même manière, ont le même port de tête, la même démarche. Le fils est le double, l’ombre de son père. Le vouvoiement est de rigueur dans la maison familiale. Tout est sous contrôle, jusqu’à ce que les clés de la résidence secondaire soient laissées au futur élève de Saint-Cyr. Pendant quelques jours, Albert s’amuse avec ses copains, Francis et Édouard. Une insouciance avant la rentrée, une bulle de liberté avec l’arrivée d’Odette. Sur cette plage, au milieu des milieux bourgeois, l’amour gronde, la révolte s’épanouit.

L’ouverture de cette bande dessinée est datée à l’année 1962, la fin de la guerre d’Algérie. Dans un coin de l’esprit, se pose l’épée de Damoclès, celle d’une armée qui a torturé, celle d’un pays traumatisé, celle d’une paix qui ne referme pas toutes les plaies. Les générations s’éloignent encore plus, les enfants refusant d’avaler tout cru l’héritage de leurs aînés. L’histoire avance et nous sommes guidés par le sourire innocent et léger d’Albert. Il veut profiter de ces quelques jours avec ses copains et rien ne viendra perturber tout cela. Il n’y aura aucune remise en cause.
Odette, son histoire et tout un monde, apparaissent alors pour le jeune étudiant. Peu à peu, il prend conscience de lui. Dans le texte, il flashe pour Odette. De ce désir rempli d’émotions, naît l’amour. Dans les dessins, c’est l’arrivée de contrastes de couleurs. Les planches sont animées par un sens de la rupture. C’est fin, beau et émouvant. La nuit est riche de secrets, de manigances. Dans la lumière éclatante, les amants s’aiment, la sincérité étincelle. L’histoire entre Albert et Odette n’est pas qu’une amourette. Elle est périlleuse, tout comme les « affaires » menées par l’oncle d’Odette. Tout cela se mêle avec plus ou moins de joies pour le jeune couple. Entre eux, il y a de l’amour, joyeux et fusionnel. Autour d’eux, il y a de la magouille et des traditions. Cela leur pèse et la BD raconte cela.
Grâce à des lignes subtiles, une géométrie captivante, toute cette histoire se raconte, fourmillant d’espoirs, d’amour et de révoltes. La société, les non-dits de la bourgeoisie se rappellent à ces êtres qui veulent sortir du rang. Pascal Rabaté fait l’éloge de l’école buissonnière, de ces chemins qu’on n’ose pas prendre par peur mais qu’on saisit par amour véritable. Face aux semblants moraux, l’auteur glorifie l’honnêteté des sentiments.
Publiée par Rue de Sèvres, 25€