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Le journal de mon père, l’art dessiné de Jirô Taniguchi

Un fils revient vers son passé, se confronte à son père décédé. Un manga culte, éblouissant et délicat. Un chef-d’œuvre du maitre Taniguchi.

Le décès de son père contraint Yoichi Yamashita à retourner dans sa ville natale après de longues années. Lors d’une veillée funèbre arrosée, son enfance refait surface : cet après-midi de printemps passé à jouer sur le plancher du salon de coiffure de son père, l’incendie qui a ravagé la ville et sa maison familiale, le divorce de ses parents… Au fil des confidences et des souvenirs partagés par ses proches, Yoichi redécouvre celui qu’il a toujours vu comme un père absent et froid.

Le journal de mon père, l'art dessiné de Jirô Taniguchi 2

Jirô Taniguchi a, tout au long de son œuvre, questionné le souvenir et les encombrements, les blocages qu’ils pouvaient provoquer. Le personnage principal est un homme, projection de l’auteur, qui traîne sa profonde tristesse, baissant le regard, évitant qu’on ne voie en lui un héritage trop embarrassant. Taniguchi convoque les forces des esprits, la puissance de l’indicible pour relever et révéler son personnage. Ce manga, comme les autres, est une mise à l’épreuve qui ne dit pas son nom. L’auteur ne met pas en scène la souffrance car ce chemin mène forcément par une libération.

Le passé de l’enfance s’entremêle à la cérémonie funéraire. Les paroles, les confidences des adultes, équilibres entre la joie de se retrouver et l’émotion de l’hommage, réconfortent cet homme convaincu de savoir qui était son père. Sans jamais appuyer sur son sujet, Taniguchi capte cette rencontre entre les générations et met en place un dialogue entre les vivants et les morts, entre le présent et le passé.

Lire Taniguchi, c’est être à côté un personnage qui va se réconcilier avec son passé et mieux regarder son présent. L’émotion est au coin de chaque page. Le sens du cadrage, la beauté des dialogues et l’expressivité des visages soutiennent une histoire pudique qui dépasse largement le seuil de l’autobiographie. Ce manga, comme le merveilleux Quartier lointain du même Taniguchi, puise dans l’intimité de l’auteur et se déploie grâce à une narration qui ne déstabilise jamais le lectorat européen. On est pris dans le mouvement sensible et esthétique de cette histoire.


Traduit par Patrick Honnoré, publié par Casterman, 19€.

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Julien Leclerc

Insatiable curieux avec un blog littéraire Le Tourneur de pages (c'est le premier lien ci-dessous)

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