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La saignée, un thriller sur les méandres du virtuel

Dans ce roman haletant, Cédric Sire explore les doutes d’une flic luttant contre un écrivain se croyant au-dessus de tout et capable du pire.

La première scène installe ce roman dans un climat d’horreur. Une femme est torturée en direct sur le darkweb et le « boucher » suit les recommandations des spectateurs. Cut. On découvre Estel Rochand, ancienne flic, écartée pour d’obscures raisons et habitée par des traumatismes profonds. C’est elle, au parcours flou qui tentera de découvrir la vérité. Le chemin sera semé d’embuches et très rapidement, le temps sera compté pour stopper ce show horrifique.

Elle demeura assise quelques instants au bord de l’eau, grelottant sans y prêter attention. Nul passant pour la voir, si honteuse. C’était au moins ça.
Juste une baisse de tension.
Encore.
Il devenait urgent de s’en inquiéter. C’était la deuxième fois que son corps la lâchait cette semaine. Les crises s’accéléraient. Et surtout, elles se manifestaient de manière de plus en plus brutale. Il aurait fallu qu’elle fasse moins de sport. Qu’elle mange davantage. Qu’elle dorme suffisamment…
Les conseils étaient toujours si faciles à donner.
Elle se promit, pour la centième fois peut-être, de prendre rendez-vous avec son médecin. Et, cette fois, la promesse était sincère.
Avant que cela ne dégénère vraiment.

Cédric Sire fixe rapidement l’enjeu de son roman et déploie toute une foule de personnages autour de l’enquête. Il mêle alors la chute morale et sensible de l’ancienne flic à la carrière étrange d’un artiste sans oublier des histoires de trafic, des amours inachevées et des hommes frustrés. C’est ce mélange qui apporte une grande puissance au roman bien que l’accumulation de changements épuise parfois l’avancée de l’histoire principale.

On avance dans ce roman comme dans un brouillard épais. On est au plus près d’Estel dont le passé est un réservoir intense d’émotions et le présent, un bazar sans nom, imprègne complètement le roman. Ce portrait de femme, tout en nuances et en mystères, justifie amplement la lecture de ce thriller. En filigrane, l’auteur trouble la réalité, via Estel dont les sens sont affectés (elle perd connaissance souvent) et à travers ce territoire sans moral qu’est le web. Celui-ci facilite grandement l’épanouissement de personnages dont les égos et la surpuissance se cognaient à la réalité.


Publié par Fayard, 21,90 euros

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Julien Leclerc

Insatiable curieux avec un blog littéraire Le Tourneur de pages (c'est le premier lien ci-dessous)

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