C’est l’histoire d’une radio pirate, Lorraine Cœur d’Acier, qui posait, pour toujours, un jalon essentiel dans l’histoire des luttes et des radios libres. Cette radio a écouté et diffusé les paroles d’une population entière.
En refermant cette bande dessinée, j’ai eu le sentiment d’avoir été emporté par une vague, celle d’une révolte. L’énergie de vie et de survie est perceptible dès le début. Longwy, mars 1979. Case sur un terril. Ensuite sur une rue, la fenêtre d’une maison, puis son intérieur. Des paroles d’un adolescent face à son père. Les mots d’un ras-le-bol. L’envie de manifester et d’y voir tout le monde. Dès la première planche, tout est dit. La bande dessinée mêlera le destin individuel, celle de cette famille divisée politiquement, et le bien commun. Le trait d’union entre ces deux points sera une radio. L’engagement défini et défendu par celle-ci est bouleversant. Il s’agit de prendre parti pour la situation dans sa globalité, de récolter toutes les voix pour comprendre une situation. Entendre tout le monde pour mieux comprendre. La politique, les opinions se confrontent par les mots et c’est alors que le politique retrouve son sens, celui de vivre ensemble dans une cité.
Portée par la détermination fougueuse des personnages et la vitalité des dessins, cette histoire déploie une énergie captivante. Par les mots et les images, les deux auteurs plongent dans l’histoire si atypique d’une révolte ouvrière. Tout dans cette BD pourrait nous sembler étranger. Ce combat social, l’univers des mines, l’opposition politique très affirmée, la puissance de la radio interdite. Ce sont ces sujets qui rendent déjà la BD intéressante. Au-delà des faits (recontextualisés avec attention et précision), c’est la position prise par les auteurs, observateurs engagés et soucieux de raconter une histoire sincèrement. Les dialogues restituent l’époque et les états d’esprit, esquissant un rapport au monde très entier. Les traits des dessins sont vifs, les décors très puissants et les visages inoubliables. Les couleurs s’entrechoquent renforçant tous les sous-entendus esquissés par l’histoire. Dans cette imagerie très urbaine, on pourrait y voir l’influence de Baru, grand auteur, qui arpente, dans son œuvre sa propre histoire et celle d’une classe sociale aujourd’hui disparue. C’est justement lui qui signe la postface de cette bande dessinée aussi documentée que passionnante.
Et toi, tu viens à la manif ?
Paru chez Futuropolis, 17 euros