Des nouvelles des salles de cinéma orléanaises : Jeanne d’Arc et d’essai ?
Après l’annonce des dernières mesures gouvernementales, un nouveau front s’est ouvert à l’Ouest pour les salles de cinéma. Déjà peu regardants sur la rentabilité à moyen terme et la chronologie des médias, les studios hollywoodiens et Disney, à force de repousser leurs sorties ont décidé de relâcher leurs blockbusters sur leurs chaînes et réseaux câblés. Nous en avons profité pour prendre des nouvelles des salles de cinéma orléanaises auprès de leurs exploitants, Sébastien Lieury pour le Pathé Orléans/Saran et Myriam Djebbour pour le cinéma des Carmes, pendant un moment de radio sur RCF Loiret.
Pour Sébastien Lieury « Les cinémas vont bien, ils sont à l’arrêt, tous propres, prêts à accueillir des spectateurs. Quand ? C’est justement le point d’interrogation » On en sourirait presque, si derrière l’ironie toute une industrie, et de nombreux salariés n’étaient pas en porte à faux dans les coulisses. Après des faux espoirs, l’incompréhension demeure : aucune ouverture des lieux culturels n’a été prévue par le gouvernement. Tout le secteur en est pantois, aucun cluster n’ayant été détecté dans un seul cinéma français. Il y a quelques mois maintenant, les mesures sanitaires d’éloignement avaient déjà sollicité grandement les équipes en place pour les appliquer. Las, quelques jours plus tard, la fermeture était décidée. Et les portes sont depuis restées closes.
« C’est compliqué, un peu en colère de ne pas pouvoir ouvrir le 15 Décembre, ça nous a un peu soufflés » précise Myriam Djebbour : les équipes des cinémas sont dans l’expectative et des mesures sont mises en place pour garder un lien avec le public. Aux Carmes une permanence est ainsi mise en place chaque Jeudi et Samedi, de 11 à 16h, pour boire un café, choisir un DVD ou juste discuter. Les salles n’ont plus besoin de rappeler leur rôle social : beaucoup de spectateurs en laissent, patients, des messages de soutien, numériques ou papier.
Côté Pathé, on attend aussi, un regard vers la réorganisation de distributeurs qui ont tendu l’oreille vers les plateformes de VOD : Fortes (Katia Lewkowicz) sorti sur Amazon Prime, Mulan, rapidement distribué exclusivement par Disney sur sa propre plateforme de VOD, Wonder Woman 84 distribué sur HBO max aux États-Unis, avant beaucoup d’autres: si l’exception culturelle française protège encore la chronologie des médias chez nous, elle vacille, en France y compris sous quelques coups de boutoirs bien placés. On imagine déjà le casse-tête des sorties à venir, avec une densité de films à sortir jamais vue dans l’histoire de la distribution : « On sait que les plateformes (de VOD) sont venues toquer à la porte des distributeurs. A l’heure actuelle, on a entre 12 et 18 mois de stock de films prêts à sortir » pour Sébastien Lieury, soit environ entre 250 et 300 films dans la file d’attente. Le marché risque donc d’être très tendu pour l’exploitation de films (hors blockbusters) à la réouverture, leur exploitation risquant souvent de se réduire autour d’une semaine, pour trouver leur public.
Les distributeurs discutent, envisagent la rentabilité court termiste sur les plateformes à l’image de Warner, annonçant aux États-Unis la sortie de ses gros budgets à raison d’un par mois. Sur HBO max, content du cadeau, 4 millions de nouveaux abonnés ont été gagnés. Pour combien de temps ? Pour Myriam Djebbour, « Dans notre secteur on travaille assez peu avec les distributeurs qui ont fait le choix d’aller vers des plateformes. Ce qui est un peu malhonnête, c’est de poser ce débat en période de crise sanitaire, au moment où l’exploitation est dans une position de faiblesse, de fermeture administrative » La crainte reste réelle cependant que le marché intermédiaire, et l’art et essai soit impacté par ces tendances, même s’il est très compliqué à lire. Les logiques de distribution en France montrent comme dans beaucoup de secteurs culturels une distinction marquée entre Paris et la province, plus ouverte dans les salles art et essai à la programmation complémentaire de films grands publics.
Dans les prochains semaines, le climat des cinéphiles orléanais se dessine donc de plus en plus dans l’idée de complémentarité entre les réseaux de salles, de circulation d’images en images, de films en films autant par gourmandise que par solidarité envers un secteur à soutenir dans toutes ses salles. Ce sera bel et bien ici la plus grande leçon à tirer de cette crise sanitaire.
L’intervention radio des exploitants orléanais est à retrouver en intégralité ici dans Graffiti cinéma.