Nous y revoici. Un mois de confinement, d’aucuns diront d’enfermement… L’occasion pour nous de prendre du temps pour nous, de faire notre introspection et qui sait, de trouver un exutoire libérateur comme Charles Bronson ?
Un mois de confinement, c’est l’occasion de voir ou revoir Bronson, film méconnu mais chaleureusement accueilli par la critique lors de sa sortie en 2008, réalisé par Nicolas Winding Refn, auteur du célèbre et célébré Drive, de The Neon Demon, Valhalla Rising ou bien de la saga mafieuse Pusher (à voir absolument). Narrant l’histoire du criminel anglais Charles Bronson, autoproclamé prisonnier le plus dangereux d’Angleterre, le film n’en est pas moins une profonde réflexion sur la création et la liberté.
« Je savais que j’étais voué à faire de grandes choses, je ne savais pas lesquelles »
NWR entreprend la réalisation de ce biopic alors qu’il a de gros problème d’argent. Afin d’éponger ses dettes, le cinéaste danois accepte ce projet et se le réapproprie en y incorporant toute sa frustration des années passées. Tom Hardy, passé de gringalet à montagne de muscles pour le rôle principal, eut alors tout le loisir d’en faire des tonnes pour incarner Charles Bronson. L’interprétation ouvertement théâtrale de Tom Hardy additionnée à la mise en scène outrancière de Refn nous montrent que l’intérêt du film n’est pas tant dans la glorification d’une figure mythifiée par la culture populaire que dans le cheminement intérieur d’un personnage en apparence violent et dénué de toute réflexion.
La violence est partie intégrante du personnage de Bronson, dès son plus jeune âge, tant manifestation d’un sentiment de solitude et d’incompréhension qu’émulsion frustrée d’un potentiel créatif inexploité. La violence chez Bronson, symbole d’une révolte contre un monde qui ne le comprend pas et qu’il ne comprend pas. Cette violence brute, jamais glorifiée bien qu’ultra esthétisée (devenue par la suite une marque de fabrique chez Nicolas Winding Refn), se heurte à la violence d’une société rigide, aussi dure que la carapace du prisonnier. Bronson se retrouve enfermé, révolté contre l’ordre et ses représentants et ne sachant comment s’exprimer, toujours vu comme une créature étrange et incomprise.
« Trouve la part de toi qui n’est pas enfermée »
Enfermé physiquement et mentalement, Bronson se voit questionné par des personnages à son exact opposé; un dandy qui le met face à la vacuité de sa violence mais qui voit dans son étrangeté un diamant brut, un professeur d’art qui le somme d’aller chercher la part de lui qui n’appartient pas à la prison. Dès lors, Bronson se met à dessiner et à créer, piste vers une émancipation et une libération tant désirée.
NWR filme Charles Bronson comme un homme qui recherche le mouvement. Le mouvement de ses poings, le mouvement de son corps face aux gardes, le mouvement de sa main sur une feuille de papier. Sa réelle quête de mouvement est en vérité intérieure et le cinéaste en profite également pour questionner le rapport de l’artiste à sa création.
Le film d’un photographe
Refn est d’abord un photographe et il s’agit du premier film de sa filmographie dans lequel on peut réellement le ressentir. Libre de créer sous des contraintes budgétaires, tout comme son personnage est libre de créer mais emprisonné, Refn esquisse les prémices d’une mise en scène qui ne finira jamais de le suivre par la suite. Les plans figés sont les plus marquants, exit la caméra à l’épaule de Pusher. La thématique viscérale de la création tranche avec ses cadres de photographe où la composition, les couleurs et la lumière sont plus parlant qu’un travelling de cinéaste. La cadre et sa composition disent tout, le spectateur est amené à capter le sens dans l’image.
Œuvre intime de Winding Refn plus que biopic, le plus cérébral qu’il n’y parait Bronson pose des questions sur la nature de la liberté, sur l’éducation, sur la création et sur le nécessaire rapport aux autres. Ovni mais film riche, déroutant tant visuellement que par sa narration, outrancier et à la bande originale rétro participant à souligner l’aberration de toute violence, Bronson est, à n’en pas douter, l’un des chefs d’œuvre oubliés des années 2000.
L’homme derrière le mythe
Socialement inadapté et être complexe, Charles Bronson a passé le plus clair de son temps derrière les barreaux. De son propre aveu, l’anglais se sent mieux à l’intérieur d’une prison. Fan absolu de Salvador Dali, c’est l’occasion pour lui de peindre, de dessiner, de s’essayer à la poésie mais également d’écrire des livres dont une dizaine de publiés (dont une méthode de musculation destinée aux personnes sans matériel et disposant d’un petit espace).
Alors si Charles Bronson arrive à se libérer dans une cellule de prison, pourquoi pas nous ce mois-ci ?