Cette semaine, je vous propose un grand classique de la littérature, Des Souris et des hommes de John Steinbeck. Retour sur deux hommes perdus dans une société en pleine crise.
En Californie, dans les années 1930, deux hommes, Lennie et George, travaillent de ranch en ranch pour gagner modestement leur vie dans un pays en pleine crise économique. George est petit et à l’esprit vif. Il s’est promis de veiller sur Lennie, un grand gaillard simple d’esprit. Ces deux amis, que tout oppose en apparence, partagent le même rêve : économiser suffisamment pour posséder une petite ferme et y vivre comme des rentiers.
Les choses que nous admirons le plus dans l’humain: la bonté, la générosité, l’honnêteté, la droiture, la sensibilité et la compréhension, ne sont que des éléments de faillite, dans le système où nous vivons. Et les traits que nous détestons: la dureté, l’âpreté, la méchanceté, l’égoïsme, l’intérêt purement personnel sont les éléments mêmes du succès. L’homme admire les vertus des uns et chérit les actions des autres.
Ce livre, par son titre, ses personnages et la figure de son auteur, fait partie de ces livres qu’on pense connaître sans avoir besoin de les lire. Il m’a semblé intéressant de rencontrer ce roman et son histoire. John Steinbeck est un écrivain qui regardait son époque en face. Il écrit ici la traversée de deux hommes liés par un pacte secret et intime mais différents par leur conscience. Lennie ne saisit pas les tenants et les aboutissants de son époque. Il est d’une pure innocence. George est fatigué par la vie, par cette société qui lui demande tant et, preuve que son humanité ne s’est pas éteinte, décide de surveiller Lennie.
On voit alors ces deux hommes travailler dans un ranch avec pour seul objectif d’amasser assez d’argent pour atteindre leur rêve. Leur quotidien et l’organisation sociale du lieu sont décrits sobrement, Steinbeck donnant énormément la parole à ces personnages. Ces hommes témoignent de leur fatigue, de la soumission à un rôle et statut social. Ils sont définis par leur travail et leur force. Ce sont des corps, avant des êtres.
Le récit se déploie progressivement et on sent la fin arriver à l’instar d’une tragédie. On pense à Homère et au théâtre antique. Il y a le voyage à travers les Etats-Unis et les ranchs, périple difficile. Chaque chapitre se concentre sur un lieu et dans un temp donné. Cette unité ajoute en intensité dans la narration. On avance vers un drame dont les contours se dessinent. Ce chemin vers la fatalité est amplifié par le rêve porté par les deux hommes. Quand George décrit à Lennie ce qu’ils espèrent tant, on sent que cet idéal est hors de portée.
Ce roman, par sa description du racisme, de l’inégalité sociale, du pouvoir économique, est un regard brut au plus près des hommes des années 30.
Des souris et des hommes, John Steinbeck, traduit par Agnès Desarthe, Folio, 7.80€