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Blackwater la crue, un univers ensorcelant pour votre été

Cet été, plongez dans le chef d’œuvre de Michael McDowell, Blackwater, une saga en 6 tomes rééditée par Monsieur Toussaint Louverture. Une femme mystérieuse apparaît dans une petite ville et peu à peu, distille sa magie noire.

Pâques 1919, la ville de Perdido est submergée par la crue de la rivière Blackwater. Alors que deux hommes explorent les habitations, ils découvrent Elinor Dammert, une femme seule, sans famille et intrigante. Les Caskey, famille de riches propriétaires terriens, accueille cette femme qui commence à prendre beaucoup de place, au grand dam de Mary-Love, la puissante matriarche. 

La chose contre laquelle Ivey l’avait mis en garde l’agrippa. Ses bras furent maintenus le long de ses côtes avec une telle puissance qu’il sentit ses os craquer. La pression vida le peu d’air que contenaient ses poumons, et Buster se prépara à sentir la langue noire et râpeuse lui gober les yeux. Incapable de se retenir, il ouvrit les paupières sans parvenir à distinguer quoi que ce soit. Alors seulement l’épaisse rugosité lui lécha le nez et la bouche. Lorsque la chose se dirigea vers ses yeux, Buster Sapp sombra dans une inconscience plus obscure, plus profonde et plus paisible que la froide Perdido.

Ce roman s’ouvre sur un drame, la disparition d’une ville sous les eaux. Et la recherche de survivants qui s’en suit installe un climat de désolation bientôt enrichi d’une surprise, l’arrivée d’Elinor. Celle-ci porte en elle l’étrangeté du roman. Elle semble arriver de nulle part. Pourtant, elle trouve sa place dans la famille et dans la ville, donnant l’impression d’avoir toujours été là. Elle est liée à des drames inexplicables et semble tenir tête à cette nature qui a ravagé la ville. Alors que celle-ci se reconstruit, une menace plane : la peur d’une nouvelle crue. Mais ce qui reste tout au long de la lecture, c’est le climat de menace qui colle à la peau d’Elinor. Celle-ci prend racine au sein des Caskey, ensemble bientôt fragilisé par les divergences, famille dont la « reine-mère » perd de son pouvoir. Quelque chose disparaît, s’effrite, s’appauvrit. Elinor provoque cela sans que son mystère soit percé. Elle est en pleine lumière mais les ombres persistent. Rien ne permet de lever le voile. Elle surprend de chapitre en chapitre et semble être insaisissable. Ce personnage fait partie de l’ambiance fantastique du roman nourrie par le poids de la nature et les disparitions étranges dans les eaux de la ville. 

C’est le sentiment de chute qui imprègne ce roman pourtant basé sur la reconstruction, le renouveau, la survie. L’écriture de Michael McDowell est vive. On explore la famille des propriétaires avec curiosité et envie. On y voit toutes les failles possibles. Les Caskey prennent l’eau eux-aussi. Ainsi le contexte de la ville fait écho à celui de la famille. Ce roman est un enchaînement d’allers-retours entre l’intime et l’urbain, les deux cellules n’étant plus étanches depuis longtemps. L’auteur capte autant les regards en coin signes d’une tension entre les êtres que la violence de disparitions étranges. Il observe tout autour de lui et pointe toutes les interrogations provoquées par le vivant. Comme la crue, les personnages, notamment Elinor, sont imprévisibles. 


Blackwater, traduit par Yoko Lacour avec la participation de Hélène Charrier, Monsieur Toussaint Louverture, 8,40€. 

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Julien Leclerc

Insatiable curieux avec un blog littéraire Le Tourneur de pages (c'est le premier lien ci-dessous)

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