Mardi 16 novembre, la Scène nationale d’Orléans proposait la dernière création de François Chaignaud, chorégraphe qui, pour l’occasion, a travaillé avec Carte blanche, compagnie nationale norvégienne.
C’est dans une grande obscurité que commence ce ballet. Sur la scène, des formes sont perceptibles. Bientôt, le public découvre qu’il s’agit d’armoires, de ces meubles qu’enfant, j’imaginais recelant de secrets et de vestiges du passé. C’est cette sensation qui m’a permis de rentrer dans le voyage proposé par François Chaignaud. De ces meubles de grand-mère, surgissent des danseurs et danseuses recouverts·es d’écharpes volumineuses. La laine les protège et les contient, suggérant un froid terrible. Les mouvements des corps, la timidité d’un corps en plein éveil rappellent autant l’imaginaire de la préhistoire que celui du Moyen-âge. Le spectacle plonge dans ces époques riches de rituels, de polyphonies. La troupe s’installe sur le plateau en silence, ambiance qui imprégnera toute la représentation. Silence qui, parfois, bouscule et perd mon attention.
Soufflette se compose en trois temps, en trois âges : celui de la laine, celui du corps et celui des fleurs. À l’épaisseur de la matière succède l’épure des corps avant que n’éclate la floraison éblouissante. Ces moments sont habités par la recherche du mouvement collectif au sein du ballet. Les danseurs et danseuses chantent, reprises de tubes, allant de Bob Marley aux Fugees, et créent la musique, en tapant des pieds, proposant plusieurs rythmiques. En parcourant ce plateau, avec la joie d’être ensemble et une énergie talentueuse, la compagnie norvégienne Carte blanche émeut et captive. La création de plusieurs tableaux où les êtres apparaissent plus que des genres, où les voix s’unissent en toute délicatesse, marque les esprits. Il y a une pureté qui envahit le plateau, un artisanat créatif qui s’impose.
Ce spectacle faisait suite à une table ronde organisée par le Centre Chorégraphique National d’Orléans. Les directrices et directeurs de ballets, de compagnie, témoignaient de la signification actuelle du ballet dans la danse contemporaine. Il y était question de formation, d’héritage à entretenir et de regard sur la création actuelle. Mais surtout, il y avait cette question du groupe, d’ensemble d’artistes à entretenir, respectant les particularités artistiques de chacun·e et toujours animé par la recherche de la création ensemble. Il y était question d’harmonie, d’écoute.
Alors, avec ces mots et ces idées en tête, il est facile de voir le spectacle de François Chaignaud comme l’éloge du collectif, entre les êtres, entre les humains·es et la nature. C’est le contact avec la terre qui est source de musiques, de rythmes. C’est la voix, l’expression de soi qui provoque le chant. L’écoute avec l’autre qui donne naissance à l’harmonie. Ces instants puissants restent en tête (notamment la reprise de Killing me softly with his song), me faisant oublier les moments plus flous de ce ballet floral.
Carte Blanche, compagnie nationale de danse contemporaine de Norvège
Chorégraphie François Chaignaud
Interprétation Adrian Bartczak, Timothy Bartlett, Caroline Eckly, Noam Eidelman Shatil, Nadege Kubwayo, Dawid Lorenc, Max Makowski, Daniel Mariblanca, Ole Martin Meland, Aslak Aune Nygård, Anne Lise Rønne, Mathias Stoltenberg, Lin Van Kaam, Irene Vesterhus Theisen
Musique, arrangements Jostein Gundersen
Coach vocal Rikke Lina Sorrell Mathiessen
Costumes Romain Brau
Création lumières Abigail Fowler