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La bonne chance, un best-seller espagnol

Un célèbre architecte espagnol se réfugie au fin fond de son pays, pour se protéger, pour vivre autrement et peut-être avoir de la chance.

Le geste de Pablo est incompréhensible. Que ce soit pour ses proches ou pour ces nouvelles personnes qu’il rencontre dans cette petite ville espagnole. Qu’est-ce qui l’a poussé à descendre du train à Pozonegro ? À y acheter un appartement dans la foulée sans le visiter ? Cacherait-il quelque chose ? Pablo s’installe dans cette ville, y travaille et entretient le mystère autour de sa venue, séduisant sa voisine, Raluca, intriguant certains habitants.

Raluca est imparfaite. Glorieusement imparfaite. Sans cet enchevêtrement de dents et sans cet œil paresseux qui semble parfois se rapetisser ou s’endormir, elle serait une femme trop belle. Pablo admire le kintsugi, l’art japonais de réparer les céramiques brisées à l’aide d’une résine mélangée à de la poudre d’or ou d’argent, de sorte que la fissure reste bien visible, brillante, soulignée, ennoblie par le métal. Les Japonais pensent que ces cicatrices, cette histoire, cette faille, sont la beauté de l’objet. Pablo se rappelle maintenant que ce bol délicat du XVIIe siècle qu’il avait acheté à Kyoto, la nervure dorée de son ancienne blessure bien visible. Comme c’est étrange : il est capable de se remémorer et d’apprécier la beauté de l’objet, mais il ne le ressent pas comme sien. Il ne lui manque pas.

Dès le premier chapitre, on observe le personnage de Pablo comme une bête curieuse. L’étrangeté de cet homme, au passé pesant et au présent flou, perdure tout au long de ce roman, justifiant toutes les suppositions des témoins de cette drôle d’aventure. Rosa Montero met en scène le trouble des choix personnels, des personnages pas tout à fait heureux et la vitalité qui les anime pourtant. L’absurdité de cette situation permet de parler des questions remuant chaque être : où vais-je ? qu’est-ce que je fais de ma vie ?

Le roman s’enrichit des multiples points de vue des personnages. Entre l’ancienne collègue, la voisine éperdue et le vendeur de l’appartement, c’est autant le mystère de cet homme que les fragilités de ces êtres aux destinés un peu bancales. On avance dans ce roman pas à pas, tentant de trouver la logique d’un mouvement. C’est drôle, étonnant et malgré quelques pertes de vitesse (principalement dues aux intérêts inégaux des intrigues secondaires), on reste curieux de comprendre ce Pablo, double déformé de chacun.


Publié par Métailié, traduit par Myriam Chirousse, 20 euros

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Julien Leclerc

Insatiable curieux avec un blog littéraire Le Tourneur de pages (c'est le premier lien ci-dessous)

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