LectureCulture

« Idaho » d’Emily Ruskovich, un roman à la lecture hypnotique.

Idaho, 1995. Par une chaude journée d’août, une famille se rend dans une clairière de montagne pour ramasser du bois. Tandis que Wade, le père, se charge d’empiler les bûches, Jenny, la mère, élague les branches qui dépassent. Leurs deux filles, June et May, âgées de neuf et six ans, se chamaillent et chantonnent pour passer le temps. C’est alors que se produit un drame inimaginable, qui détruit la famille à tout jamais. Neuf années plus tard, Wade a refait sa vie avec Ann au milieu des paysages sauvages et âpres de l’Idaho. Mais alors que la mémoire de son mari s’estompe, Ann devient obsédée par le passé de Wade. Déterminée à comprendre cette famille qu’elle n’a jamais connue, elle s’efforce de reconstituer ce qui est arrivé à la première épouse de Wade et à leurs filles.

Dans une année de lecture, on ne lit qu’un livre qui nous marque vraiment.
Quand on a de la chance, ça peut monter à deux livres qui sortent du lot.
Idaho sort carrément du lot, émerge des flots !
L’histoire est prenante et la construction complexe et terriblement bien maîtrisée.
L’écriture nous emporte tout doucement mais inéluctablement.
C’est un tout. C’est magnifique.
On garde longtemps les personnages en tête. Quand on referme le livre, comme dans la vraie vie, on voudrait encore avoir de leurs nouvelles.
C’est le livre qui veut ça.

« Il a perdu ses filles, mais il a également perdu le souvenir de les avoir perdues. En revanche, il n’a pas perdu la perte. La douleur est aussi présente dans son corps que sa signature l’est dans sa main. Il peut signer son nom parfaitement, mais il ne peut pas l’écrire. Déjà que le W est difficile, le A est impossible sans l’élan de la signature, qui permet d’enchaîner les lettres. Il connaît son prénom mais n’arrive pas à s’en représenter les différentes parties, à moins de pouvoir compter sur l’inertie de sa main. Il connaît sa douleur, aussi, mais la source de cette douleur est perdue sans le mouvement qui l’accompagne. Elle devient une chose statique, déconnectée, difficile à identifier. »


Construit sur le rythme de la mémoire, il fait des aller-retours dans le passé.
On traverse les années, on plonge dans le futur pour revenir dans le passé. On passe par un personnage pour en rejoindre un autre. Une sorte de toile se construit, l’histoire se dévoile petit à petit, par petites touches.
On réalise que tous les personnages, malgré les années, malgré les saisons qui passent, sont coincés dans cette journée d’été, étouffante, dans le bourdonnement des taons… Une journée où l’on coupe du bois pour l’hiver, où la citronnade sort de la glacière, où l’on fredonne un petit air entêtant.
Au fil des chapitres, l’histoire se dévoile en douceur, les personnages se souviennent ou oublient, d’autres devinent. La mémoire travaille.
C’est un roman d’une incroyable justesse, intriguant au possible.
Que lire après ça ?

Paru chez Gallmeister, 370 pages, 10,40 euros

Afficher plus

celine

Passionnée de littérature depuis toujours, j'ai la particularité de lire de tout et tout le temps.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page