Le prix du Livre Inter est le premier prix littéraire de l’année. Il est très à part car c’est un jury populaire composé de 12 lectrices et 12 lecteurs qui choisit son coup de cœur. Cette année, c’est un premier roman, Un jour ce sera vide d’Hugo Lindenberg qui a été désigné.
En plein été normand, un adolescent rencontre un garçon de son âge, Baptiste. Cette parenthèse estivale devient, pour le narrateur, un choc et une révélation. Sa réalité, sa condition, tout son être se mettent en cause face à l’univers de Baptiste.
Peut-on mesurer la profondeur d’une amitié à la distance parcourue dans l’eau ? Nos premières rencontres avec Baptiste n’agitaient qu’un peu d’écume sur cette frontière de vase que la mer dispute à la plage. Puis, enhardis par le noroit, nous avons sauté dans les vagues. Les rouleaux glacés m’emportaient dans une ruade avant de me ramener ébouriffé vers le rivage, le maillot de bain rempli de sable et ne trouvant plus l’équilibre jusqu’à ce que les yeux de Baptiste me fixent un nouvel horizon. Quand vint le moment de nager, je fus pris d’un vertige, rien n’allait plus de soi : la brasse m’était devenue étrangère. J’ai plongé dans l’eau, tendu comme une flèche, puis j’ai ramené mes bras tout en soulevant la nuque afin de laper une gorgée d’air à la surface, avant de replonger à nouveau. À peine cet enchaînement était-il terminé qu’il fallait tout recommencer. La combinaison de gestes qui jusqu’ici m’avait toujours permis une propulsion plus ou moins harmonieuse m’épuisait soudain dans un surplace désordonné. Je devais à la fois ne pas penser à Baptiste et garder à l’esprit qu’il jugeait mon degré de coordination motrice.
Le premier roman d’Hugo Lindenberg décrit la déroute d’un adolescent, d’un être qui tente de se comprendre et de cerner son intériorité. Ce récit intime et personnel est perturbé et enrichi par l’arrivée de Baptiste. Cet adolescent semble tout avoir et tout être. Ce qui l’entoure le porte. Le narrateur souffre de la comparaison et entame la digestion de sa vie. Il se confronte aux faits de son présent, à ces éléments immuables qu’on doit choisir de voir ou de refuser. En restant à la première personne, le roman d’Hugo Lindenberg est très émouvant sans jamais tomber dans les facilités d’un misérabilisme autocentré. L’auteur s’intéresse à la force intérieure de son narrateur et à ce qui germe en lui dans le cocon de son adolescence. Les remous intérieurs, entre psychologie et sensoriel, prennent forme grâce à l’environnement choisi. La mer est transfigurée par cette écriture tout en mouvement. Certains chapitres tentent même de formaliser le chemin sinueux et douloureux de la pensée du narrateur. Ce roman contient toute la violence et toute la joie de la rencontre, toute la difficulté d’être soi et de rêver les autres. Les personnages qui entourent ce duo d’adolescents, la grand-mère du narrateur, sa tante ou encore la mère de Baptiste, apportent un folklore émotionnel enivrant. Ces adultes expriment leurs sentiments là où les deux jeunes garçons sont plus dans la retenue. S’installe dans cette communauté d’un été un jeu de regard et d’observations tout en subtilité. Ce roman est un parcours initiatique centré sur une seule épreuve, celle de se connaître.
Et vous, avez-vous lu ce roman ?
Publié par Christian Bourgois, 173 pages, 16,50 euros