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Amen (tome 1), une BD vertigineuse

Tandis que d’interminables guerres de religions ravagent la galaxie tout entière, Arcadia cache de nombreux mystères… Et si la solution pour faire cesser cette pure folie guerrière se trouvait sur cette planète aux confins de l’univers connu ? Deux expéditions y ont déjà été envoyées par la Coalition mais aucune n’en est revenue. Pas un seul signe de vie n’a été relayé et aucune donnée n’a été transmise. Et une troisième expédition de néo-conquistadors vient d’y débarquer. Commanditée par Sir Raleigh et dirigée par son protégé Ishoa, elle est composée de quatre frères prêcheurs, de quantités de mercenaires – tous anciens forçats – et davantage encore d’esclaves-mutants et sherpas. Mais dès la première journée d’exploration, d’inexplicables phénomènes laissent présager du pire concernant la destinée des précédents colons…

Georges Bess s’inspire très librement d’Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad (comme Francis Ford Coppola pour Apocalypse Now ou Werner Herzog pour Aguirre, la colère de Dieu) et raconte une fresque captivante mêlant folie futuriste et références du XVIe siècle espagnol. Ce sont ainsi des personnages en collerette qui décident de découvrir une planète, dernier endroit préservé des êtres humains. L’ambiance étouffante des forêts tropicales, la brutalité d’êtres ayant perdu leur humanité et le mystère de la planète Arcadia composent un rythme soutenu dont le suspens enserre peu à peu les personnages. Les décors écrasent les personnages, que ce soit le pouvoir pontifical sur la Terre ou l’environnement d’Arcadia. Tout le récit est construit sur l’opposition de couleurs, de nature et de rapports sociaux. La tension monte progressivement et débouche, dans les dernières pages, sur un space opéra vertigineux.

Amen (tome 1), une BD vertigineuse 2

Le premier tome de ce diptyque est tout à fait captivant. Le travail du bédéiste est percutant dans cette confrontation perpétuelle entre l’entêtement des conquérants et la Raison qu’ils perdent, les armes une fois à la main. La force d’une BD réside autant dans son scénario que dans ses dessins. L’histoire est ici finement menée, dévoilant au fur et à mesure les secrets de quelques personnages et ce qui les a mené jusqu’ici. Ils évoluent dans des décors revus et corrigés par l’auteur. Celui-ci puise autant dans les références communes que dans son imaginaire corrosif. Il saisit son lectorat grâce aux images du passé et l’embarque dans ses créations visuelles. Les couleurs tranchées et vives, signées Josi de Rosa, apportent une énergie au récit crépusculaire. En plongeant tous ces personnages aux confins d’un monde séduisant et dangereux, l’auteur met notre présent face à ses propres contradictions. Il y parle d’égalité sociale, des croyances religieuses (ici représentées par l’Inquisition), de la colonisation qui se dissimule derrière le bienfondé d’un partage de civilisation… La mise en scène de cette folle aventure parvient à insérer toutes ces questions dans un récit haletant. La suite – et fin – sera à découvrir en juin 2021.

Et vous, vous laisserez-vous tenter ?


Paru chez Glénat, 14,95 euros

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Julien Leclerc

Insatiable curieux avec un blog littéraire Le Tourneur de pages (c'est le premier lien ci-dessous)

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