
Dans son nouveau roman, Virginie Grimaldi fait se rencontrer trois personnages un peu perdus, un peu trop seuls et tendent timidement la main vers les autres. Un livre qui se fixe sur le positif de la vie.
À trente-trois ans, Iris fait une pause dans sa vie. Théo, dix-huit ans, a peu de rêves, car ils en foutent partout quand ils se brisent. À soixante-quatorze ans, Jeanne regarde son existence dans le rétroviseur. Tous les trois se retrouvent dans une colocation et commencent à s’habituer les uns aux autres.
Tout est de la faute de Victor, le gardien, qui s’est mis en tête de rendre les marchés de l’escalier aussi brillantes que ses idées. A sept heures du matin, soit à l’heure où tout le monde l’emprunte (l’escalier, pas Victor).
J’ai quitté l’appartement en même temps que Théo, qui est toujours aussi agréable qu’un frottis. Dès la première marche, j’ai senti que je n’allais pas atteindre le rez-de-chaussée en position verticale. Mon pied a glissé sans demander ma permission, le reste de mon corps n’a pas eu le temps de recevoir l’information, il a chu mollement. On aurait dit une de ces figurines qui se désarticulent quand on appuie dessous. Ou un soufflé au fromage sorti trop tôt du four, mais j’avoue une nette préférence pour l’image précédente. J’ai tenté de le rattraper à Théo, mais je n’ai réussi qu’à agripper sa manche, qui m’a lâchée comme une ex encombrante. Dès lors, j’ai dévalé sur les fesses et le dos une dizaine de marches, dans un ralenti presque cinématographique, qui m’a laissé le loisir de faire connaissance avec chaque os, chaque muscle, chaque tendon de mon corps. J’ai notamment noué de profonds liens avec mon coccyx.
Pour commencer cet été, j’ouvre pour la première fois un livre de Virginie Grimaldi et me plonge dans l’histoire croisée de trois personnages un peu sonnés par la vie. De mois en mois, on les découvre progressivement. Ils livrent leurs secrets et leurs attentes de la vie. Ils semblent un peu à côté de la vie. Comme dans une série, je me suis attaché à leur vie, leur quotidien un peu alambiqué et leur manière de rebondir avec un certain humour. Iris fait preuve de répartie et est devenue mon point d’attache lors de la lecture.
Virginie Grimaldi ménage chaque rebondissement de son histoire même si certains sont un peu prévisibles. Il serait dommage d’effleurer l’un des nombreux détails ou l’une des anecdotes qui parsèment la vie de Jeanne, Iris ou Théo. Le rythme, avec ses surprises et ses ruptures, montre la maîtrise de cette autrice. La scène d’ouverture est une accroche sensationnelle et j’ai suivi le fil de cette drôle de colocation qui distille les drames pour se concentrer sur les joies de la vie.
Elle aborde des thèmes universels dont le besoin de l’autre en premier lieu tout en piochant dans des sujets d’actualité. Son histoire ne s’inspire pas de sujets polémiques ou sensibles mais capte ce qui unit une certaine majorité des êtres, la question de la vie, de son sens de s’y plonger complètement. Ses personnages ont enfoui leur désir de vivre, de savourer cela sous des couches d’appréhension et de peur. Ensemble, ils peuvent peut être facilement faire émerger leur appétit de vie. Une lecture positive qui fait du bien, comme une journée loin du quotidien maussade.
Il nous restera ça, Virginie Grimaldi, Le Livre de poche, 8,90€