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Les exportés

Dans son premier livre, la journaliste Sonia Devillers remonte le fil généalogique pour mettre en mots le parcours de sa famille depuis la Roumanie.

En 1961, la famille maternelle de l’autrice quitta la Roumanie communiste, un pays dont personne n’était censé pouvoir quitter. Sonia Devillers, à partir de recherches personnelles et du travail de certains historiens, va de l’autre côté du rideau de fer et comment les membres de sa famille ont été exportés par le régime communiste ?

Un commerce d’êtres humains, un troc « citoyens contre des animaux d’élevage », quelles autres dérives glaçantes le général Ion Mihai Pacepa, passé à l’Ouest, pouvait-il encore déballer ? Il en avait pléthore à raconter. Cette vente de juifs n’était qu’un détail dans l’histoire d’une administration servile et fanatisée. Jamais aussi haut gradé n’avait fait défection en Europe de l’Est. Son exil aux États-Unis engendra une onde de choc géopolitique majeure à la fin des années 1970. Il avait occupé des postes clés sous Gheorghe GheorghiuDej, le premier secrétaire roumain par Staline. Mieux, il avait appartenu au premier cercle de Nicolae Ceausescu, son successeur, sombre mégalopole. Aucun des secrets de la Roumanie communiste ne lui avait échappé. Il ne pouvait y avoir de confession plus redoutée que celle du général Pacepa.

En lisant le premier livre de Sonia Devillers, on retrouve l’énergie de la journaliste, la précision de son regard et sa volonté de dérouler le fil d’une pensée. Elle revient vers les siens, vers le passé familial et nomme clairement ce que les Juifs roumains ont subi. Elle nous entraîne dans l’histoire de la Roumanie, des années précédant la Seconde guerre mondiale au régime de Nicolae Ceausescu.

Cette lecture a été pour moi une découverte et le texte est un témoignage qui, par le biais de l’intime, ouvre sur l’histoire nationale et les traumatismes vécus au cours de ce XXe siècle. Le récit est clair tout en gardant un rythme soutenu. Sonia Devillers explique, précise et soigne de nombreux détails pour faciliter la compréhension générale.

Parmi les passages les plus marquants, il y a bien sûr les premiers chapitres au cours desquels elle pointe les vestiges d’une vie passée par sa grand-mère et sa mère. Qu’il s’agisse du rapport avec le judaïsme ou l’urgente nécessité de trouver un nouveau nom de famille, Sonia Devillers recense tous les indices qui mènent au secret. Dire ouvre une brèche de lumière dans l’obscurité des secrets. Écrire, encore plus.

Sonia Devillers est l’invité du Cercil – Musée Mémorial des enfants du Vel d’Hiv mardi 22 novembre à 18h (entrée libre, réservation fortement conseillée).


Sonia Devillers, Les Exportés, Flammarion, 19€

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Julien Leclerc

Insatiable curieux avec un blog littéraire Le Tourneur de pages (c'est le premier lien ci-dessous)

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