Dans son deuxième roman, Agathe Ruga décrit une chronique amoureuse, imparfaite, douloureuse, à sens unique. En un mot, addictive.
Ariane est mariée et mère de trois enfants. Quand elle rencontre dans ce bar, elle retrouve tous les éléments habitués. Pourtant, elle sera vite surprise et bouleversée par un regard, celui de Sandro. Pour lui, pour vivre une histoire avec lui, elle se jette à corps perdus dans tous les excès, approchant d’une certaine folie maladive.
Dans ce bar, le premier lieu de notre histoire, je suis la reine et je ne fais pas attention aux autres filles, il y en a plein et il en rejoindra une après, qu’il appellera « Chérie » ou « Princesse », comme il me surnomme parfois. Je ne suis pas jalouse, car ce fameux jour où il m’a regardée, elles étaient toutes là. Elles ont vu, elles ont entendu le silence et elles savent. Elles me cherchent sur Instagram, scrutent mes stories. Elles me détaillent avec curiosité quand je marche dans la rue, elles le mettent en garde contre moi, la femme mariée, l’écrivaine. Quand il passe une nuit avec l’une d’entre elles, il crie mon nom dans la nuit et l’idiote ne peut s’empêcher de lui en parler au petit matin, gonflant le fantasme et le goût d’inachevé, devenant ainsi mon alliée. Toutes ces filles sont mes complices. Lorsqu’il est derrière le bar et que je le regarde, elles baissent les yeux.
De tout le roman, on ne lâche pas Ariane. Elle tourne en boucle sur Sandro. Cet homme est omniprésent dans sa tête, écrase tout sur son passage. On constate sa force d’attraction bien qu’il reste un mystère. Ce qui est intéressant c’est l’obsession d’Ariane. Pourquoi s’accroche-t-elle à cet homme ? Pourquoi a-t-elle aimé cet homme et d’autre avant ? A partir de cette rencontre inoubliable, l’autrice remonte le fil des figures masculines marquantes pour son double de papier.
Les hommes de sa mère, ses beaux-pères, ont peu à peu forgé un modèle avec une allure, des réflexes, une présence. En confrontant le portrait d’un de ses beaux pères à cet homme rencontré, Ariane tente de comprendre les absences qu’elle veut combler. De l’obsession, Agathe Ruga garde le mouvement, cette figure circulaire qui fait perdre pied. Alors on perd le sens et la raison en la lisant, comme Ariane les perd en vivant. On sent la douleur piquer le cœur de l’héroïne sans que le roman ne tombe dans la tragédie. Il se déploie dans le quotidien de l’espoir amoureux, inexplicable mais tellement porteur, joyeux tout en étant destructeur. Un roman sur le jusqu’au-boutisme sentimental.
L’Homme que je ne devais pas aimer, Flammarion, 19€