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Le Carré des indigents, un roman noir à la langue stylisée

Dans un roman noir à la langue ciselée, Hugues Pagan raconte un fait divers et tout ce qui se retrouve bousculé par le meurtre d’une adolescente.

Nous sommes dans les années 1970, peu avant la mort de Pompidou et l’accession de Giscard au pouvoir. Schneider est un jeune officier de police judiciaire, il a travaillé à Paris et vient d’être muté dans une ville moyenne de l’est de la France, une ville qu’il connaît bien. Dès sa prise de fonctions, un père éploré vient signaler la disparition de sa fille Betty, une adolescente sérieuse et sans histoires. Elle revenait de la bibliothèque sur son Solex, elle n’est jamais rentrée. Schneider a déjà l’intuition qu’elle est morte…

Machinalement, Schneider avait basculé le couvercle de la boîte à gants. Sans surprise, il découvrit qu’elle contenait une arme dont la crosse était tournée vers le conducteur, et donc instantanément accessible, un semi-automatique Walther PPK, une arme de défense fiable et précise, redoutable en combat rapproché et mondialement célèbre comme ayant servi à Hitler pour mettre fin à ses jours. La crosse contenait sept cartouches de neuf millimètres court à ogives blindée, et une balle était engagée dans la chambre. C’était un fait établi que Monsieur Tom prenait grand soin de se garder des hommes, amis comme ennemis.

L’entrée en matière du roman de Hugues Pagan est rapide. Les mots sont précis, les formules bien troussées pour capter tous les êtres de cette histoire. L’observation est fine et le rendu clair grâce à des portraits efficaces piochant dans une part d’imaginaire.

Dans le premier chapitre, on cerne le flic qui nous embarquera tout au long de l’enquête, son environnement, cette ville qu’il connaît trop bien et cet univers policier terriblement sombre. Dès le deuxième chapitre, on rentre dans l’enquête, la disparition de Betty, puis la découverte de son corps. Là, le temps se dilate. Dans cette France des années 70, rien n’est rapide. Il faut se déplacer, interroger, fouiller, être vigilant aux moindres signes. L’auteur retrouve le rythme de l’époque et il nourrit cet espace temps de détails, des caractères et de pistes. Alors tout se déploie lentement mais sûrement.

Ce roman noir est une série d’histoires en parallèle, celle de Betty, celle de sa mort, celle de la résolution et les vies des personnages (les flics surtout). Ce bunker comme l’appelle l’auteur contient toute une violence silencieuse. Les flics réunis autour de Schneider ont connu l’Occupation et la Guerre d’Algérie, en portent encore toutes les contradictions, tous les abus et tous les secrets. Ces non-dits entre des hommes – figures tutélaires du patriarcat – emplissent les silences de ce quotidien animé par l’enquête. Schneider veut retrouver le coupable et sur ce chemin de vérité, il tente de savoir qui était Betty qui « elle aussi semblait avoir eu des matins difficiles et des matins qui ne chantaient pas. » Alors la mélancolie naît et éveille des souvenirs de perte chez ce flic.


Le Carré des indigents, Hugues Pagan, Rivages, 21€

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Julien Leclerc

Insatiable curieux avec un blog littéraire Le Tourneur de pages (c'est le premier lien ci-dessous)

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