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Découvrez Christophe Guermonprez, le patron d’Images Photo

Vous êtes nombreux à fréquenter la boutique Images Photo Orléans située au 11 rue Jeanne d’Arc, mais vous ne connaissez probablement pas l’étonnant parcours du propriétaire des lieux, Christophe Guermonprez, un véritable passionné et un expert reconnu dans le monde de la photo. Découvrons-le ensemble.

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Christophe est né à Neuilly en 1951 d’un papa militaire au sein d’une famille nombreuse de 7 enfants. Il avouera n’avoir pas été très assidu à l’école et préférera aller faire des photos dans la rue plutôt que d’aller passer son bac en 1968.

Faisant des piges, il rêve de se payer le mythique Nikon F que l’on voit dans le film Blowup d’Antonioni avec Jane Birkin – un photographe de mode, équipé du fameux Nikon F, pense avoir immortalisé accidentellement un meurtre dans un parc isolé – et puis c’est surtout l’appareil qu’utilise le photojournaliste Gilles Caron au Vietnam ou au Biafra et qui disparaitra au Cambodge en avril 1970 à l’âge de 30 ans.

Il sortira finalement d’un magasin de photo avec un ASAHI PENTAX SPOTMATIC, appareil plus dans ses moyens et surtout adaptés à ses compétences car il n’y connaissait rien à l’époque. Il avouera qu’il n’aurait pas pu se servir d’un Nikon F, trop compliqué pour un débutant, ce que le vendeur avait bien compris …

La chance est de son côté

Photographiant tout et n’importe quoi au hasard de ses déambulations dans Paris, Christophe s’arrête un jour dans le 15e arrondissement, sous le Métro aérien, à l’endroit même où le marché vient de se terminer avec son lot de détritus au sol. Il tombe sur une magnifique Rolls garée là par hasard et au moment d’appuyer sur le déclencheur, un balayeur se met devant, ce qui constitue un contraste assez surprenant.

« J’oublie ce moment, et quelques jours après je développe mon film : il y avait 35 photos nulles et une qui attirait inexorablement mon regard : celle de la Rolls toujours avec son balayeur mais aussi au 3eme plan un papy un peu clodo qui avait récupéré sur une remorque plein de cagettes ».

Avec cette composition en diagonale involontaire, la photo parle, elle a une allure. Christophe la soumet à un concours organisé par le magazine « Photo Reporter ». Des mois après il reçoit un coup de fil d’un copain qui lui dit qu’il a gagné un Leica grâce à cette image.

«A 18 ans je me retrouve avec La Rolls des appareils photos et je pars au service militaire avec mon boitier ou j’y ferai des clichés au service photos»

La série des drôles de rencontres commence

«Entre-temps j’avais accroché sur une plage en plein été ou je faisais des photos, avec un gars très sympa, propriétaire d’un magasin de photo dans le quartier de la Madeleine en 1970. Il me proposera de venir travailler chez lui, voyant que j’étais un passionné. Là, je suis tombé dans le grand bain tout de suite car il fallait savoir tout faire notamment les photos d’identité du fait du voisinage de l’ambassade américaine, la vente de matériel, des travaux photo, du reportage, du labo. En quelques mois j’ai tout appris dans des conditions incroyables : à l’Elysée, chez Fauchon, Au Crillon … J’en ai gardé un excellent souvenir.»

En 1976 Shop Photo ouvre à Montparnasse le plus gros magasin de la capitale sur une surface de 1000 m². Pour la première fois, chaque marque avait son stand. Ce Groupement de magasins était assez réduit mais très élitiste et respecté à l’époque. Jacques Bougon, le fondateur de l’enseigne, entend parler des qualités de Christophe par l’un de ses vendeurs, car il en recherche un pour l’une de ses boutiques située rue Marcadet, dans le 18è

« « Monsieur Jacques » m’appellera sur mon lieu de travail et me donnera 20 minutes pour venir le rencontrer dans son bureau à Montparnasse. Me fiant à mon instinct je m’y rends : Shop Photo c’était LE temple de la photo. Arrivé sur place, il me posera quelques questions pour tester mes connaissances et me fera une généreuse proposition en me demandant de répondre immédiatement … J’apprendrai de cette rencontre qu’il faut savoir saisir l’opportunité immédiatement ! »

Christophe prendra donc la gérance de la plus petite boutique du groupe, rue Marcadet dans le 18e arrondissement, tout en côtoyant les 40 vendeurs du plus gros magasin à Montparnasse, et le groupement le plus haut de gamme de l’époque. Cela lui permettra d’enrichir encore plus ses connaissances.

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«Au bout de quelques années, Jacques Bougon me proposera de racheter mon magasin, j’avais 26 ans. Je fis mon ouverture en mars 1978, le jour de la mort de Claude François. Je m’en souviens comme si c’était hier : on m’avait cambriolé dans la nuit, il n’y avait plus rien dans le magasin ! Je m’en sortirai pas trop mal avec les assurances et les grandes balustrades en bois qui recouvraient la vitrine attiraient de nombreux curieux qui en profitaient pour acheter».

1978 c’est aussi l’année du mariage d’où naîtront deux filles Elodie et Dorothée. Malgré le succès, la lassitude des transports pour arriver sur son lieu de travail s’installera et il décidera de sauter sur la première opportunité pour quitter Paris.

L’arrivée chaotique à Orléans

Christophe est très copain avec le propriétaire du Shop Photo d’Orléans, mais suite à un accident de ce dernier en 1983, il en reprend la suite car l’affaire marche très bien.

« Le magasin était situé au bout de la rue de Bourgogne dans la zone non piétonne. En plus, nouveau coup du sort, pratiquement le jour de l’ouverture, un immeuble s’écroule à proximité rendant impossible l’accès pendant plusieurs mois. Du coup, je saisi une opportunité pour m’installer rue Jean Hupeau (entre le pont Georges V et le Châtelet). A l’époque, la concurrence est rude avec pas moins de 19 autres confrères sur la place, mais nous nous démarquons en vendant de la très bonne occasion – ce sera notre ADN – du matériel Leica et Nikon et en ne faisant pas de prestations comme par exemple les mariages. On fera notre petit bonhomme de chemin quand les autres auront du mal à s’adapter, et ça accélérera avec l’arrivée brutale de la FNAC en 1985. A la fin des années 90, nous sommes le 2eme point de vente de province pour Leica, et invités à ce titre à participer à un voyage en Chine durant 3 semaines avec le patron Leica et des pointures du métier comme Robert Doisneau, Sebastião Salgado, Guy Le Querrec , Marc Riboud de l’agence Magnum. Les gens de Kodak nous donnent des pellicules prototypes, en fait les premières T-MAX, pour que l’on ramène quelques photos exploitables afin de mettre en avant leur nouvelle pellicule. Ça reste un de mes moments marquants : 3 semaines avec 70 personnes à photographier et à échanger avec des pros dans des conditions exceptionnelles ! »

Les années 2000, le grand bouleversement du Numérique (avec un grand « N »)

« On a vécu à l’époque à la fois basculement de la photo argentique vers le numérique mais aussi avec l’arrivée d’Internet la modification du mode de consommation de la photo »

Pour être honnête, à l’arrivée des tous premiers numériques, les boutiques freinaient des quatre fers pour ne pas en vendre car le résultat était très moyen : c’était lent, les écrans de contrôle étaient petits, c’était hors de prix, et puis il y avait la résistance des aficionados : ça ne marchera jamais, moi je sais faire de la photo argentique, je n’ai pas besoin d’un ordinateur pour ça !

« Nous on a senti le bouleversement venir, mais personne n’a cerné immédiatement le potentiel de basculer les gens de l’argentique vers le numérique. Les cartes mémoires étaient à des prix hallucinants, tellement chers qu’on les louait ! En 2003, Canon sort le 300D à un prix agressif et Nikon frappe encore plus fort en 2004 avec le D70, le premier reflex digne de ce nom, grand public et à prix abordable : la messe est dite. »

L’histoire Images Photo

En 2000 le magasin déménage au 44 rue Jeanne d’Arc, il n’est certes pas très grand mais bien visible, retour dans le groupement Shop Photo dont Christophe intègre l’équipe dirigeante.
En 2008, lors de la Photokina, Evènement annuel qui réunit tous les professionnels, Christophe se rapproche de revendeurs qui lui ressemblent : Richard Studient de Lyon, Christian Menant de Rennes, Jacques Gredet de Paris et ils décident de cofonder le groupement Images Photo. Référent sur le marché de l’occasion, Christophe crée en partenariat avec le magazine Chasseur d’Images « la cote de l’occasion » qui est depuis la référence pour le marché de la photo d’occasion basé sur l’état, la catégorie, l’usure et la côte d’amour pour le matériel.

«En 2011, après 5 ans de recherches, on trouve enfin le site actuel. C’était l’ancienne boutique SNCF, située dans un coin pas très vendeur car il n’y avait pas encore de tram mais on passe d’une boutique de 60m² trop étriquée ou l’on travaille à cinq, au 350m² de mes rêves avec sa surface de vente aérée, son stock, sa salle de formation et son studio photo. L’équipe est à présent composée de 6 personnes et fête sereinement cette année les 35 ans d’Images photo Orléans, les 10 ans du groupement fort de 30 établissements et l’expansion en Europe avec l’intégration de 3 magasins Belges.
Aujourd’hui, nous les fondateurs du groupement, on est tous des vieux c— qui avons largement passés l’âge de la retraite, mais qui n’ont pas envie d’arrêter de bosser. On dispose grâce à une holding, du moyen de pérenniser nos points de vente, de passer la main, et de poursuivre notre développement. Nous pensons créer prochainement nos propres formations de managers et de vendeurs»

PIAO : Pour revenir à la photo, quel est l’appareil qui t’a marqué particulièrement ?

Incontestablement le Nikon F car c’était le plus révolutionnaire, c’était une bête de mécanique, c’était une merveille de coup de crayon, c’était un appareil qui a un vrai sex-appeal avec une vrai simplicité, il a surtout été révolutionnaire car c’était un système avec toute une panoplie d’accessoires et d’objectifs: il a ringardisé à l’époque, tout ce qui existait. Gilles Caron, Mai 68, Blow Up l’ont mis en avant car c’était le reflet d’une époque.

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PIAO : Est-ce que tu as une anecdote à nous raconter ?

Leica est marque intimement liée à l’histoire de la photographie. En 1913, Oskar Barnack, l’un de ses chercheurs qui travaillait dans une usine d’optiques pour les microscopes et le cinéma, y inventa le système 24×36. Les appareils photos à l’époque étaient des appareils à plaques lourdes, encombrantes, utilisables uniquement sur pieds. Il pensa que ce serait judicieux de créer un appareil, photo plus petit sous forme de boite à savon, d’y adjoindre l’un de ses objectifs et d’y utiliser le même film 35 mm que le cinéma mais en lui faisant faire un quart de tour pour limiter l’encombrement de l’ensemble. C’est ainsi que naitra le rapport d’image de 1 sur 1 et demi de nos photos actuelles ! Il demandera aux gens du cinéma d’utiliser ses prototypes avec les morceaux des mêmes pellicules utilisées pour leurs films, avec cet avantage de pouvoir les développer plus vite puisqu’ils n’avaient pas à attendre la fin de l’impression d’une grande bobine : c’était un peu le polaroïd de l’époque, petit, léger avec un format d’image innovant et qualitatif.

Pile un siècle plus tard, en 2013, Canon sortira le 5D MKII, premier appareil réflex à faire de la vidéo de haute qualité. En fait, en créant la fonction live View, la prise de vue à l’écran sur réflex, le constructeur s’est dit : après tout autant mettre une fonction vidéo dans le boitier. Le réalisateur Claude Lelouche, qui adore filmer à l’épaule dans l’action, visionnera Slummdog millionnaire et plus particulièrement la scène dans les souks de Bombay. Il ne comprendra pas comment cela a été tourné jusqu’à ce qu’on lui apprenne qu’elle a été réalisé au 5D mkII, une première !

J’interpellerai un jour les deux dirigeants de Leica et Canon présents sur le même événement pour leur faire prendre conscience que si l’appareil photo a été inventé chez Leica à partir d’une pellicule de cinéma, un siècle après, c’est le cinéma qui est à présent réalisé avec un appareil photo 24×36 numérique chez CANON : la boucle est bouclée !

PIAO : A ton avis, quelles seront les tendances dans 5 ans ?

80% des reflex qui étaient du Nikon et du Canon vont aller en se tassant du fait d’une moindre innovation. A l’inverse, les Sony – Panasonic – Olympus – Fuji qui ont développés depuis une dizaine d’années des appareils hybrides (sans miroir de visée) avec des capteurs plus petits mais très performants, très compacts, vont prendre la place des appareils type APS-C car ils sont compatibles avec une société du loisir connecté ou l’on fait de la randonnée mais avec un encombrement et un poids contenu pour ce que l’on emmène.

Pour le public plus exigeant et les pros, on va aller vers de plus grandes ouvertures pour les objectifs, de plus en plus de compacité, des rafales de 10 20 images/ sec, plus de silence lors de la prise de vue. Avec des capteurs dont les pixels vont être multipliés par 10 ou 20, on peut même imaginer la disparation pure et simple des gros téléobjectifs car un simple crop (agrandissement dans l’image) suffira pour zoomer.

En ce qui concerne le cas du smartphone, je pense qu’il ne tuera pas l’appareil photo car si c’est un bloc note extraordinaire, ce n’est pas l’outil idéal pour faire de la photo si tu veux en maîtriser finement tous les paramètres ne serait-ce que pour faire un beau tirage.

Merci Christophe pour le temps que tu nous accordé.

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Un commentaire

  1. Déroulé de vie intéressant. Juste une précision : le coup de fil qui t’a indiqué que tu avais gagné le concours de « PhotoReporter » n’était pas celui d’un copain, mais tout bonnement ton frère Denis qui, lui, avait été prévenu par un de ses élèves fana de photo. Tu ne croyais guère ton frère et tu ne l’as cru qu’une fois achetée la parution du journal mentionnant ton prix d’excellence au concours…Je crois même me souvenir que , grâce à ce concours, tu avais pu aller faire un tour du côté du Mexique d’où tu avais rapporté un reportage lui aussi, paru. Bref, une immersion totale dans le métier, et ceci, de plain-pied. Oui oui, plain P.L A.I.N. !

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